Tribune de Jean-Paul GARRAUD, Député français au Parlement européen, Président de l’Association Professionelle des Magistrats
En cette période de repentance éternelle et de travail mémoriel, il est encore une fois étonnant que seuls les Européens et surtout les Français soient accusés des pires maux de l'Histoire.
Si certains passages sombres de notre passé ne doivent pas être oubliés, l'Histoire ne peut être à sens unique.
Le président de la République, E. Macron, vient de confier une mission de réflexion sur la Guerre d’Algérie à l’historien français Benjamin Stora, dont on devine la raison, puisque le futur Président alors en campagne avait osé accuser la France d'avoir commis des crimes contre l'humanité pendant cette terrible période.
Il est donc fort probable que cette mission ne constitue finalement qu'un énième réquisitoire contre l'odieux colonisateur français.
Et pourtant, ces crimes ont-ils été d’avoir construit à l'époque, en Algérie, 54.000 kilomètres de routes et pistes (80.000 avec les pistes sahariennes), 31 routes nationales dont près de 9.000 kilomètres goudronnés, 4.300 km de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales, 23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots), 34 phares maritimes, une douzaine d’aérodromes principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., des milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800.000 enfants scolarisés dans 17.000 classes (soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), un hôpital universitaire de 2.000 lits à Alger, trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants ?
Tout ceci sans parler d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance.
Alors que l’État français consacrait 20% de son budget à l’Algérie, il est effarant de voir que la totalité de ces infrastructures, léguées à l’Algérie en 1962, aient disparu des mémoires et des livres d’histoire pour ne retenir qu’un seul aspect, à charge, de la relation franco-algérienne.
Il est encore plus étonnant que l’Algérie comme la France d’ailleurs omettent dans leur devoir de mémoire respectif de commémorer, ou simplement d’enseigner aux plus jeunes que des dizaines de milliers d’Européens, dont des milliers de Français, ont été enlevés en Méditerranée par les pirates barbaresques, sont morts en Algérie, dans la banlieue d’Alger communément appelée le cimetière des chrétiens, après avoir été mis en esclavages durant 250 ans, jusqu’au début du XIXème siècle.
Ces dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, morts, torturés, écorchés vifs, empalés, crucifiés ou pendus n’auraient-ils pas la même valeur humaine et n’auraient donc le droit qu’à l’oubli ?
Plus récemment encore, comment peut-on expliquer que des milliers de familles pieds-noirs, ayant laissé un père, une mère, un frère, un enfant dans un cimetière, n’aient jamais pu se recueillir sur la tombe de leurs aïeux ?
Et comment pourraient-ils le faire d'ailleurs puisque nombre de ces tombes ont été saccagées, détruites, profanées?
L’histoire n’est pas un morceau de gruyère à trous. Que tout le monde reconnaisse ses fautes et que le président de la République arrête de critiquer le pays qu'il dirige.
Être Français est une fierté.
L’Histoire et le devoir de mémoire ne sont pas à géométrie variable.