Les espoirs médiatiques et gouvernementaux n’auront pas duré : la reprise fut un feu de paille qui a laissé place à la panique boursière.
Les cours boursiers qui jusque là montaient en pariant sur une reprise mondiale et sur l’efficacité des politiques monétaires, ont bien dû s’y faire : les prévisions des experts médiatiques se sont révélées aussi ineptes que leurs remèdes.
Depuis le pic de mi 2015, les bourses ont perdu plus de 20% et les marchés émergents connaissent même une chute plus lourde que lors de la terrible crise financière asiatique de 1998 ¹.
Certains pointent du doigt la seule baisse des prix du pétrole. Mais cette explication superficielle ne va pas assez loin.
Le constat est simple : les Etats-Unis sont très probablement en fin de cycle d’investissement ², la Chine fait face à un problème de compétitivité qu’elle tente de cacher en allumant des contrefeux qui alimentent des bulles spéculatives (immobilières, puis boursières…)³, et la zone euro, fidèle à elle même, s’enfonce dans un marasme toujours plus profond... L’évolution erratique des cours boursiers ne reflète que la situation désastreuse de l’économie mondiale : le « Dry Baltic Index », indicateur qui fut par le passé annonciateur des grandes crises économiques, s’effondre 4. Ceci accrédite donc la thèse d’une « stagnation séculaire » liée au processus de mondialisation financière et commerciale.
Et les banques centrales n’y font rien : les politiques monétaires absurdes qui ont été menées depuis la crise ont seulement redressé le portefeuille des investisseurs (de 2010 à mi 2015, l’indice phare de Wall Street a grimpé de 72%, et celui de Shanghai a bondi de 150% de juin 2014 à juin 2015), en gavant de cash les investisseurs financiers, alimentent ainsi la volatilité des marchés. En effet, si, d’un côté, la quantité de monnaie à leur disposition explose, la liquidité des marchés financiers (capacité à acheter ou à vendre rapidement les actifs) se restreint. Les politiques de régulation bancaire (qui étaient largement nécessaires) ont conduit les banques à déserter les marchés financiers au profit des « shadow banques » non règlementées (fonds d’investissement spéculatifs etc…) et dont les actifs représentent 120% du PIB mondial. Ce coktail explosif explique en grande partie les ajustements brutaux des cours boursiers.
Quant aux grandes entreprises, faute de projets d’investissement rentables (qui ont disparu avec les politiques déflationnistes), elles se plaisent à redistribuer une partie de leur création de valeur à leurs actionnaires via des rachats d’actions et les dividendes distribués 5.
Plutôt que de remettre en cause l’hyperfinanciarisation, les banques centrales (à commencer par la BCE) ont préféré se soumettre au chantage des marchés financiers en les inondant de monnaies qu’ils ne placent pas dans l’économie réelle. Et les politiques européennes n’ont rien arrangé comme en témoignent le niveau record de créances pourries en Italie (200 milliards d’euros) et le « sauvetage » calamiteux de quatre banques régionales italiennes.
En cas de nouvelle crise financière, les gouvernements européens se retrouveront désarmés puisque les leviers budgétaires et monétaires leur ont été confisqués avec leur docile complicité. C’est pourquoi il faut d’urgence retrouver notre liberté monétaire afin de mettre en place une politique monétaire qui financerait directement des projets d’infrastructures et d’avenir indispensables, mais qui permettrait aussi de lutter efficacement contre l’hypermondialisation financière qui ne sert que les intérêts de quelques uns.
¹ http://www.zerohedge.com/news/2016-01-20/emerging-markets-it-now-worse-asian-financial-crisis
² http://philippewaechter.nam.natixis.com/2015/12/21/la-fed-normalise-et-la-france-ne-rompt-pas-ma-chronique-macroeconomique/
³ http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=86687
4 http://www.bloomberg.com/quote/BDIY:IND
5 http://www.fondapol.org/wp-content/uploads/2015/11/HURSTELweb-D%C3%A9f.pdf