Le « délit de solidarité » n’est pas de la fraternité

Mathilde Androuët

Tribune libre

14 mai 2018

Tribune de Mathilde Androuët, conseillère régionale en Ile-de-France et Déléguée départementale des Yvelines

Le Conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer sur la notion de fraternité suite à la réception d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les procédures judiciaires de la nouvelle coqueluche cannoise, passeur « bénévole » de son état, Cédric Herrou.

L’objectif politique des avocats est clair : dire que le mal-nommé « délit de solidarité » - qui n’est autre qu’un délit d’aide à la clandestinité- correspondrait au principe constitutionnel de fraternité. Plus précisément, Me Patrice Spinosi, avocat de Cédric Herrou, demande à ce que le Conseil Constitutionnel entérine juridiquement le fait que l’aide sans contrepartie financière ne peut faire l’objet de poursuites, car il relèverait du principe de fraternité qualifié d’« idéal commun » par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.

Sans nous inventer une qualité de juriste, ce que nous ne sommes pas pour la plupart d’entre nous, apportons toutefois notre collaboration à la réflexion que doit mener le Conseil constitutionnel en un trimestre.

Cédric Herrou a-t-il exercé un acte fraternel ? L’époque contemporaine friande des détournements sémantiques a une fâcheuse tendance à confondre fraternité avec solidarité. Car si l’acte de M.Herrou peut être timidement qualifié de solidaire (et encore faudrait-il démontrer que le soutien aux migrations est un acte bénéfique, ce qui est faux au vu du nombre de trafics humains et de noyades en Méditerranée), il ne relève en rien de la fraternité comme entendue dans la Constitution française.

Si la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » fut adoptée officiellement comme telle en 1848, ce triptyque apparaît déjà dans la sémantique de la Révolution française. La fraternité érigée en maxime apparut plus spécifiquement à l’occasion de la Fête de la fédération, le 14 juillet 1790, fête désormais nationale célébrée chaque année à la même date. La Fayette prêta ainsi serment : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. »

La fraternité est indissoluble, car elle est comme l’indique son étymologie le lien qui unit une même famille. La famille est la nation française et tous les Français sont frères d’une même mère-patrie.

Cette fraternité oblige cent fois plus que la simple solidarité. Si vous n’aidez pas un inconnu dans la peine, c’est potentiellement critiquable, mais pourquoi aideriez-vous tous les inconnus ? En revanche, si vous refusez d’aider votre frère ou votre sœur dans la tourmente, vous êtes moralement condamnable.

Cette fraternité est la part charnelle et humaine qui vient faire le contrepoids aux excès potentiels que peuvent renfermer la liberté et l’égalité isolés. Cette fraternité, au sens où la Constitution l’entend, n’a de sens que dans le cadre de la nation. Nous sommes frères et sœurs français et devons constitutionnellement agir comme tel.

Aussi, quand l’un des membres de cette famille préfère soutenir les délits d’étrangers, encourageant un phénomène qui déstabilise sa vraie famille nationale, il est à cent lieues de la fraternité. Il y contrevient même.

Evoquer la fraternité dans l’acte de Cédric Herrou, ce serait alors adopter une grille mondialiste où les nations, les familles culturelles de cette planète, n’existeraient plus. Un monde d’orphelins, éventuellement solidaires selon le profil des individus, mais certainement pas fraternels au sens systémique.

Réhabilitons donc le vrai sens des mots, car cela rétablit l’ordre naturel des choses. Réhabilitons le terme de fraternité afin de rétablir l’ordre naturel d’une constitution nationale, dont l’objectif est de servir en premier lieu les nationaux qui s’y soumettent.

Et faisons également méditer ce mot à nos élites politiques qui dans leur passion de l’Autre oublient régulièrement qu’elles piétinent le dernier mot de notre devise nationale qui est pourtant celui qui donne tout son sens à la nation française.

Mathilde Androuët

Tribune libre

14 mai 2018

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