Tribune libre de Franck Allisio, Conseiller régional de PACA, Coordinateur des forums
Alors que la première loi de finances de l’ère Macron commence à s’appliquer et à produire ses premiers effets, il est plus que jamais intéressant de la décrypter. Loin d’être la « révolution » promise par le candidat Macron, la première loi de finances de ce nouveau quinquennat s’inscrit dans la continuité presque parfaite de la politique menée en France depuis 5, 10 ou même 20 ans. Pas étonnant dès lors qu’une partie de la « droite » et une partie de la « gauche » finissent par la voter. Seule nouveauté, l’épaisseur du trait : le président Macron n’hésite pas à désigner clairement son ennemi. Et son ennemi, c’est la France qui se lève tôt !
La toute première cible d’Emmanuel Macron fut ces Français qui se lèvent tôt pour nous protéger. La France est plus que jamais la première cible du terrorisme islamiste après 245 victimes depuis 2015 ? Notre industrie de défense parmi les derniers fleurons de l’excellence industrielle et technologique française est plus que jamais fragilisée ? Peu importe ! Au cœur du mois de juillet, c’est aux militaires qu’Emmanuel Macron imposa une réduction de budget de 850 millions d’euros qui entrainera la démission, fait rarissime, du chef d’Etat-Major des Armées. Pis, le président a expliqué que les militaires et les gendarmes avaient trop de récupérations. De là à les traiter de fainéants, il n’y a qu’un pas qu’il serait malheureusement capable de franchir…
Les plus modestes d’entre nous, ceux qui se lèvent tôt pour gagner peu ne sont pas non plus épargnés. Ces millions de Français vont voir leur aide au logement diminuée, leurs taxes sur le fioul, le diesel, le tabac augmentées, de même que leur forfait hospitalier. Ces petites pertes de pouvoir d’achat en cascade annuleront au final le gain qu’ils pouvaient attendre de la suppression progressive de la taxe
d’habitation…dont une bonne partie d’entre eux était déjà exonérée ! Une chose est sûre : Emmanuel Macron ne sera pas le président des travailleurs.
Au premier rang des mal-aimés en Macronie figurent aussi ceux qui se sont longtemps levés tôt pour aujourd’hui pouvoir profiter d’une retraite bien méritée. Nos ainés se verront administrer la double peine : pour peu qu’ils gagnent plus de 1280 euros de retraite, ils verront leur CSG augmenter de plus de 20% et leur pension gelée pour l’année 2018.
Viennent ensuite en ligne de mire les territoires où vit cette France qui se lève tôt, cette fameuse France périphérique et rurale qui va devoir trouver 13 milliards d’économies. Entre baisse des dotations et perte de ressources propres, via la suppression de la taxe d’habitation, c’est une attaque en règle contre ces collectivités pourtant premiers investisseurs publics et garantes des services publics de proximité. Collectivités qui n’auront d’autres choix que d’augmenter les taxes foncières et taxes d’habitation de ceux qui continueront à payer.
Autre oublié de ce budget, un des secteurs dans lequel les Français qui se lèvent tôt sont nombreux à travailler : le bâtiment. Car en créant l’Impôt sur la Fortune Immobilière et en excluant les revenus fonciers du nouveau prélèvement forfaitaire unique, le gouvernement continue de surtaxer le secteur du logement alors que ce dernier est déjà deux fois plus taxé qu’en Allemagne et trois fois plus qu’en Italie ! De ce secteur dépendent pourtant nos 400 000 entreprises de BTP avec un million de salariés et 400 000 indépendants, qui font de la France un leader mondial dans ce domaine.
Viennent enfin, les plus gros bataillons des perdants de l’ère Macron, ceux qui fournissent la fameuse classe moyenne, ceux qui constituent les forces vives de la nation, ces
millions de cadres, professions libérales, indépendants et entrepreneurs, trop riches pour être pauvres et trop pauvres pour être riches. Ils ont été les dindons de la farce fiscale des années Sarkozy et Hollande, dont messieurs Macron, Philippe, Le Maire et Darmanin sont après tout les héritiers. Pour ne prendre que l’exemple des 16 millions de foyers assujettis à l’Impôt sur le revenu : le rendement de ce dernier a bondi de 48 milliards d’euros en 2007 à 78 milliards d’euros en 2017, soit une augmentation de 60% ! Qu’est-ce qui est fait pour eux ? Rigoureusement rien, puisqu’ils ne sont pas assez riches pour profiter des seules véritables baisses d’impôts de ce budget.
Car si 99% des Français sont soit défavorisés, soit ignorés par ce budget, une infime minorité de Français a été l’objet de toute l’attention du nouveau gouvernement. En effet, en exonérant uniquement le capital financier de l’Impôt sur la fortune et en faisant bénéficier la nouvelle « flat tax » aux seuls revenus de la finance, c’est moins d’un 1% des Français qui se retrouvent concernés par les baisses d’impôts. Ce sont en réalité que quelques dizaines de milliers de contribuables qui sont visés par une baisse de 5 milliards d’impôt. Une forme d’hyper-classe dont le patrimoine est investi en actifs financiers mobiliers alors que l’écrasante majorité des Français, y compris aisés, investit dans l’immobilier, l’épargne populaire et les assurances-vie sécurisées. Tandis que les revenus du travail et du patrimoine continueront d’être taxés jusqu’à 45% (hors CSG), les revenus de la finance ne seront plus taxés qu’à 12,8% (flat tax de 30% retranchée des 17,2% de CSG) ! Ainsi, le gain pour un trader qui gagne 1 million d’euros par an sera de 200 000 euros. Un vrai bonus inespéré pour la Banque d’affaires, à côté duquel Nicolas Sarkozy avec son « paquet fiscal » passerait pour un doux marxiste. Bref, la loi de « finances » n’aura jamais aussi bien porté son nom.
Pour que ce budget soit un budget de rupture avec ce qui a été fait jusqu’à présent, il eût fallu une baisse massive des impôts sur les revenus du travail, sur les petits et moyens patrimoines, en clair sur ces Français qui travaillent, consomment et investissent. Il eût fallu mettre en place une fiscalité au service de la compétitivité de nos entreprises en mettant à contribution les importations afin de protéger notre industrie et nos emplois. Il eût fallu poser la question taboue du coût pour nos finances publiques de l’accueil chaque année de plus de 350 000 immigrés légaux et illégaux alors que notre économie ne peut plus les intégrer et que notre nation ne peut plus les assimiler. Mais toutes ces réalités sont celles de la France qui se lève tôt, pas celles d’Emmanuel Macron.