RN

Coronavirus : de la crise sanitaire à la crise politique

Philippe Olivier

Tribune libre

23 avril 2020

Tribune libre de Philippe Olivier, député français au Parlement européen

Le système se sent fragile et il apparaît, comme le confirment les sondages, que l’équipée Macron dans la séquence du coronavirus soit plus chaotique que le chef de l’Etat bravache, se rendant au théâtre début mars, ne l’avait imaginé : crise régalienne, crise sanitaire, crise européenne, crise économique, crise sociale…  et peut-être à venir une crise sécuritaire.

Tout tend à démontrer, en réalité, la gestion catastrophique d’une situation catastrophique.

Les crises ne sont pas seulement des symptômes de situations anormales, elles sont aussi le cruel révélateur des défaillances de fond, de l’impéritie des dirigeants, de la fragilité des personnalités.

Cette crise du coronavirus est à l’origine sanitaire ; en France, nul ne doute qu’elle entérine une crise politique, une crise du politique et, partant, une crise des politiques.

Crise sanitaire ou crise politique ?

Idéologiquement, cette crise scelle la faillite de l’idéologie ultralibérale ; elle  ouvre une brèche dans le dogme du mondialisme, cette idéologie d’un mercantilisme débridé, enfantée dans les ruines du mur de Berlin et que le candidat Emmanuel avait portée en bandoulière à la présidentielle. Elle marque également l’échec d’une vision politique – la « Start-Up Nation » - et d’une méthode – le « verticalisme jupitérien du macronisme»-.

L’ampleur tellurique de la secousse est venue éprouver le niveau de nos dirigeants dont la compétence  relevait officiellement de l’évidence malgré la gestion approximative de mois de contestation sociale (Gilets jaunes et retraites).

Pour les téléspectateurs, la crise aura aussi levé le voile sur les coulisses du pouvoir.

Le branle-bas de combat général d’une Macronie assiégée par les critiques a trahi la consanguinité des élites et donc les connivences occultes de la caste dirigeante, de ces « personnalités » médiatiques, politiques, administratives et prétendument scientifiques qui hantent à longueur de journées les cours des ministères et les plateaux de télévision.

Plus globalement, le naufrage a emporté le peu de ministres –Buzyn ou Blanquer- que l’opinion créditait encore de quelques qualités, soulignant ainsi l’échec  total de la « Révolution Macron »  à faire émerger une nouvelle élite pour le pays.

La crise vient confirmer que la « pépite Macron » n’incarnait pas un « monde nouveau »  mais que  cette création politique sortie non accidentellement d’un laboratoire marketing fermait, en réalité, un cycle politique.

Aujourd’hui l’intéressé lui-même conscient de la nécessité d’une séance de rattrapage publique, se contraint à l’humilité, avec un début de mea culpa et l’esquisse d’une promesse juste temporaire [« de ce moment »] d’un « born again » très américain : « “Sachons dans ce moment …..  nous réinventer. Moi le premier !”».

Mais peut-on croire les dirigeants qui nous disent la main sur le cœur : « J’ai changé » ? Ce coup, on nous l’a déjà fait !

 La Septième Compagnie et « la tenaille »

L’examen des faits et des décisions, montre que la  France, sixième puissance mondiale  a été laissée à un pouvoir en état de sidération, paralysée par une invraisemblable technocratie.

La « guerre » contre le coronavirus pour laquelle le chef de l’Etat avait appelé à la mobilisation a glissé vers une triste comédie digne de « la Septième Compagnie ».  Le pays s’est retrouvé coincé dans la fameuse « tenaille »:

- Des politiques : d’abord inconscients et fanfarons, puis irrésolus et manipulateurs et aujourd’hui brouillons et tremblants ;

- Une technocratie hors-sol qui, jusqu’au Conseil d’Etat, a pu donner au mieux la mesure de sa léthargie, au pire la démonstration d’une puissante capacité de nuisance.

Une communication officielle, de surcroît grossière et outrageusement mensongère, s’est substituée au discours responsable c’est-à-dire une voix sereine et rassurante, appuyée sur une réflexion juste et la définition d’une action claire. La parole publique dont la force aurait été si nécessaire en ces circonstances s’en est trouvée dévaluée jusqu’à la moquerie.

On a vu des ministres célébrer avec une joie inextinguible « la formidable solidarité européenne » lorsqu’elle se limitait au transfert de trois malades vers des hôpitaux allemands.

On a vu les médias officiels présenter comme une grande fierté nationale l’arrivée d’avions en provenance de Chine, venus délivrer à notre pays de simples bouts de tissu cousus.  Devant l’image de la relégation de notre pays, les vrais patriotes en ont ressenti sinon une honte du moins du chagrin.

Enfin, au fil des déconvenues publiques et des perspectives de poursuites pénales, on a vu le pouvoir politique fuir ses responsabilités en se planquant derrière des comités médicaux à la composition improbable  y compris pour des arbitrages de nature politique.

La vérité c’est que le pouvoir n’a pas su définir de stratégie se contentant d’adapter un discours officiel filandreux et irrationnel aux pénuries c’est-à-dire à ses propres carences logistiques et politiques.

Cadrée par des a priori idéologiques, toute la défensive sanitaire du gouvernement et des ARS a été  sciemment dirigée vers l’hôpital public en ignorant la médecine privée, la médecine de ville ou les laboratoires privés. Les EHPAD qui auraient dû faire partie intégrante du dispositif de lutte n’ont pas été intégrés à l’action de prévention. Leurs pensionnaires ont même été exclus des traitements puisque, semble-t-il, leurs malades furent davantage accompagnés vers une mort certaine sur place que transportés vers une prise en charge hospitalière.

L’OMS avait pourtant indiqué la voie

Pourtant, dès le début, les orientations de l’OMS étaient claires: « Tester / Isoler/ Traiter », recommandations auxquelles les plus grands virologues français et mondiaux ont durant des semaines exhorté, en vain, nos dirigeants.

Triste paradoxe, il aura donc fallu des  « progressistes » au pouvoir pour que la France, pays éclairé,  tourne le dos à la science, à ses préceptes et à ses outils.

« Tous aux abris »

Les trois premiers mois de la  gestion de la crise (janvier/février/mars) furent perdus dans une approche quasi moyenâgeuse du traitement de l’épidémie, une stratégie outrageusement défensive à l’image de ceux qui l’avaient décidée : des gestes « barrière » expliqués jusqu’à ressassement et un confinement général économiquement ruineux.

Pire, sûr jusqu’à l’arrogance, l’Etat a mis son énergie à empêcher des mesures évidentes de protection et dissuader les initiatives heureuses: la diffusion par les pharmacies de masques et parfois même leur port (comme dans la police) ont été interdits, le principe de la liberté de traitement reconnu aux médecins a été remis en cause, les initiatives spontanées des communes ont été juridiquement contrecarrées ….

De fausses promesses de commandes de matériels sanitaires en illusoires délais de livraison, les ministres ont baladé l’opinion. Le trait caractéristique de l’escroc n’est-il pas sa capacité à gagner du temps ?

Finalement, la seule stratégie de nos dirigeants a pu se résumer par le mot d’ordre suivant : « tous aux abris » et surtout que personne ne bouge !

L’exemple allemand

Faut-il rappeler que la science moderne nous offrait le dépistage (disponible en libre de droit dès janvier), l’isolement individuel (avec des masques protecteurs certifiés) et des traitements (c’est-à-dire la simple liberté pour les médecins de prescrire des médicaments connus) ?

Les pays qui ont, en revanche, mis en œuvre cette stratégie du tester/isoler/traiter comme l’Allemagne ont maîtrisé de bout en bout la propagation du virus et commencent à en sortir avec un bilan humain moins lourd que la France.

Comme pour nous rassurer des dirigeants se targuent « d’apprendre de la crise » !!!  Oublieraient-ils qu’ils ne sont pas des stagiaires de ministère et que les fautes dans l’exercice d’une fonction publique se soldent en milliers de vies humaines.

Déconfinement : un gouvernement déconfit en marche vers la déconfiture ?

Au moment où nous entrons dans la phase de déconfinement que faut-il penser ?

Un pilote d’avion vous le dira, un atterrissage ne s’improvise jamais: c’est un exercice délicat qui se prépare selon des phases millimétrées.

Nous en sommes loin. Même l’ineffable porte-parole du gouvernement à la langue de bois bien pendue  admet une impréparation ministérielle.

Beaucoup de temps a été perdu et le gouvernement continue de s’enliser!

Déconfinement : Impréparation et improvisation

Le confinement n’a pas été correctement mis à profit. Cette période de calme aurait dû permettre de préparer ce déconfinement. Elle n’a en réalité servi qu’à empêcher les saturations des services de réanimation c’est-à-dire encore une fois à pallier les carences publiques et non à préparer une offensive.

S’ajoute à cette impréparation initiale, une inquiétante improvisation de mise en œuvre.

Le déconfinement a été annoncé unilatéralement par le Président, visiblement sans concertation gouvernementale.

Envasés dans une piteuse conférence de presse le 19 avril,  le Premier ministre et son ministre de la Santé, pâles commentateurs d’une situation qui les dépasse, ne parvinrent qu’à aligner les imprécisions, les constats résignés, une vision brouillonne tout cela sur fond de laborieuses et vaines autojustifications !

A l’heure même où la rapidité d’exécution exige  une participation civile et administrative entière dans la rigueur d’une vision solide, ces flottements sont de mauvais augures. L’incapacité à hiérarchiser, à briser les résistances, à surmonter les féodalités, à définir la voie dans l’épreuve, à passer des consignes claires démontrent peut-être même une inaptitude plus large au commandement.  C’est souvent le propre des généraux de temps de paix.

C’est une triste réalité en règle générale. C’est, pour la France, d’une triste actualité.

Le masque que nous portons sur la bouche ne doit pas nous empêcher de  le dire.

Philippe Olivier

Tribune libre

23 avril 2020

>