Question écrite de Bruno Bilde sur la privatisation du contrôle routier et la multiplication des radars mobiles embarqués

Bruno Bilde

Vie parlementaire

03 décembre 2019

Question écrite de Bruno Bilde, député du Pas-de-Calais, au Premier ministre sur la privatisation du contrôle routier et la multiplication des radars mobiles embarqués

M. Bruno Bilde interroge M. Le Premier ministre sur le déploiement massif des radars mobiles privatisés dans 7 régions françaises d’ici la fin de l’année 2020. En effet, dans le prolongement des directives du gouvernement contenues dans le projet de loi de finances, la délégation interministérielle à la sécurité routière a indiqué que 60 véhicules appartenant à des entreprises sélectionnées par l’Etat pour effectuer le contrôle des usagers de la route, commenceront à circuler en janvier dans les régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire. A la fin de l’année, les « flasheuses roulantes » privées seront visibles dans les Hauts-de-France, la Nouvelle Aquitaine, la Bourgogne Franche-Comté et le Grand-Est. La privatisation totale du contrôle routier embarqué est envisagée à l’horizon 2022 avec le remplacement des forces de l’ordre par 220 véhicules gérés par des sociétés spécialisées et conduits par des chauffeurs privés.

Dans la seule région des Hauts-de-France, 34 voitures seront mises en circulation ces prochains mois dont 6 pour l'Aisne, 10 dans le Nord, 7 dans l'Oise, 7 dans le Pas-de-Calais et 4 dans la Somme.

Au-delà du désengagement inquiétant des services de l’Etat, cette uberisation des contrôles radars constitue un nouveau coup dur pour les automobilistes et les motards déjà traqués, matraqués et ponctionnés depuis des années par des politiques de répression aveugles et inefficaces. Inévitablement, ce nouveau mode opératoire va entraîner une multiplication des contrôles et donc mécaniquement une augmentation du nombre de verbalisations.

L’expérimentation en Normandie a démontré pour le mois de juillet 2019 que les 27 radars embarqués en service, à raison de 6 heures de circulation quotidiennes, de jour comme de nuit, la semaine comme le week-end ou les jours fériés, représentaient 30% des heures de contrôle réalisées dans toute la France. Avec cette politique du chiffre, le gouvernement a décidé d’intensifier le matraquage des conducteurs et de leur livrer une chasse impitoyable qui aura pour conséquence de faire chuter leur pouvoir d’achat sans régler le problème de la mortalité sur les routes de France. Les radars embarqués seront en outre accompagnés par une armée de 1200 radars tourelles dont le système est homologué pour calculer la vitesse dans les deux sens de circulation et intercepter les franchissements de feux. Dans un futur proche, ces collecteurs d’impôts dernière génération, seront capables de détecter les dépassements par la droite et identifier un automobiliste qui ne porte pas sa ceinture ou utilise son téléphone.

Les Français en ont assez d’être harcelés sur nos routes, ils ne supportent plus d’être persécutés dès qu’ils prennent le volant, ils ne veulent plus être considérés comme des vaches à lait par un Etat qui, par facilité et lâcheté, préfère leur faire les poches plutôt que de s’attaquer aux véritables causes de la mortalité routière avec des mesures de fermeté et de bon sens. Si les délinquants de la route, la consommation d’alcool ou de stupéfiants au volant et les excès de vitesse importants doivent être réprimés sans faiblesse, 96% des PV des radars concernent de petits dépassements de vitesse qui ne représentent, pour l’immense majorité d’entre eux, aucun danger. En revanche, la multiplication des petites verbalisations pourrit le quotidien des usagers de la route avec leurs cortèges d’amendes et de pertes de points.

Comme les totems de l’étranglement fiscal, les radars ont été pris pour cibles au début du mouvement des Gilets Jaunes et un grand nombre d’entre eux ont été mis hors service, dégradés ou bâchés. Cette crise a mis en lumière l’escroquerie des radars en matière de sécurité routière au regard de la baisse du nombre de victimes de la route en décembre 2018 au moment où 60% des radars n’étaient pas en état de fonctionner. De même, malgré l’installation de plus de 4400 dispositifs de contrôle, notre pays possède un taux de mortalité (48 morts par million d’habitants) sur les routes bien supérieur à certains de nos voisins européens qui comptent beaucoup moins de machines comme la Suède (1717 radars pour 32 morts par million d’habitants) ou le Danemark (14 radars pour 30 morts par million d’habitants).

Chez nous comme ailleurs, la politique du « tout radar » a démontré son absurdité. Il est grand temps d’arrêter de gaspiller l’argent public pour vider les poches de Français qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur véhicule pour aller travailler. Dans la ruralité, un permis de conduire est aussi un permis de travail. D’autres politiques doivent être préconisées pour renforcer la sécurité des usagers de la route et faire reculer la mortalité comme la réfection du réseau, notamment départemental, responsable de 40% des accidents mortels. A ce titre, il est urgent de décréter un moratoire sur toutes les installations de radars, de limiter le parc existant aux axes particulièrement accidentogènes et de consacrer les 339,5 millions d’euros d’investissements dans les radars prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2020 à un grand plan de renouvellement de l’infrastructure routière.

La question qui se pose est partagée par des millions de Français : quand allez-vous arrêter d’utiliser la sécurité routière pour remplir les caisses de l’Etat ?

Bruno Bilde

Vie parlementaire

03 décembre 2019

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