Assemblée Nationale (28 Avril 2020) - Intervention de Louis Aliot, Député, suite au discours du Premier ministre sur le plan de déconfinement
J’aimerais commencer mon intervention en rappelant le rôle que la Constitution confère au Parlement. Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du gouvernement. Que faisons-nous aujourd’hui ? Rien de tout cela. Nous servons d’alibi au gouvernement qui entend diluer sa responsabilité sur les oppositions en demandant au Parlement de signer un chèque en blanc au gouvernement.
Entendons-nous bien : nous sommes tous, engagés pour que l’opération de déconfinement du pays soit un succès, et nous l’avons prouvé en votant les deux lois de finance rectificative.
Nous comprenons bien l’urgence d’agir. Mais, nous refusons toutefois d’être pris en otage. Trop de questions restent en suspens. Trop de sujets ne peuvent faire l’objet d’un consensus. L’union sacrée qu’implique la lutte contre la propagation du nouveau coronavirus ne doit pas cacher le fait que les oppositions ont aussi un rôle à jouer de contrôle et d’alerte.
Du reste, peut-être auriez-vous dû nous entendre quand nous alertions sur la pénurie de masques, de tests, la nécessité des contrôles aux frontières ou l’isolement préventif des voyageurs revenus d’Asie., comme vous l’avez suggéré Marine Le Pen, ici même, lors de la séance du 11 février dernier. Autant de points que nous avons relevé, quand vous disiez encore aux Français que le port du masque était inutile, et que le couple Macron incitait les français à aller au théâtre, le 7 mars, après que vous ayez autorisé le week-end d’avant un rassemblement de plus de 100000 catalanistes indépendantistes à perpignan alors que des cas de Covid étaient connus en Espagne.
Quel cruel paradoxe puisque vous voulez désormais rendre le port du masque obligatoire dans les lieux confinés, à commencer par les transports et les écoles. Et en matière de masques, nous souhaitons que les premières livraisons soient gratuites pour l’ensemble de la population.
Comment, d’ailleurs, faire appliquer les gestes barrière et la distanciation sociale dans le cadre scolaire ? L’Italie a repoussé l’ouverture des établissements scolaires à la rentrée de septembre comme d’ailleurs le recommandait notre propre Conseil scientifique. C’était aussi notre avis. Aurons-nous suffisamment de masques pour tous les usagers ? Où en sommes-nous en la matière ? Vous y avez répondu partiellement. Mais nous attendrons le 11 mai pour contrôler si les actes sont en accord avec les discours.
Une réflexion qui peut s’étendre à la question des tests. Emmanuel Macron a déclaré souhaiter « rendre accessible le système de tests dans tous les pays du monde » lors d’une vision conférence avec les membres de l’OMS.
Même en France, oserai-je dire au Président ? Donner des leçons aux autres c’est bien, se les appliquer à soi-même c’est mieux !
À la date du 25 avril, la France avait testé 463000 personnes, contre 2 millions pour l’Allemagne ou 1,6 millions pour l’Italie. Nous n’arrivons toujours pas à augmenter notre capacité à tester. Pourtant, le succès du futur déconfinement en dépend. L’OMS le 16 mars le disait clairement : « testez, testez, testez ! » et ce, massivement. Nous demandons solennellement que toutes les personnes travaillant ou vivant dans des milieux confinés soient testées : dans toutes les entreprises, dans tous les EPHADS, dans toutes les écoles, dans tous les hôpitaux, les prisons, dans toutes les sociétés de transport, etc..
Confinement, déconfinement, huis-clos, stop and go, reconfinement, masques inutiles puis obligatoires, écoles fermées, puis fermées, puis rouvertes partiellement, restaurants fermés jusqu'en juillet puis en juin, ordre, contrordre, exceptions, autorisations partielles… ! Il est tout de même difficile d’y voir clair dans vos stratégies. Nous devions aujourd’hui initialement discuter uniquement de l’application de traçage des malades appelées « Stop Covid ». Nous ne connaissons d’ailleurs pas les implications concrètes de « Stop Covid » dans notre quotidien, ni même son utilité réelle. Ici encore, le flou le plus total règne. Je pense qu’il faut s’éloigner de cette mauvaise idée.
Vous n’agissez pas, vous réagissez dans un désordre tout macronien depuis le déclenchement de cette épidémie que vous avez sous-évaluée. Nous ne pouvons pas rester éternellement confinés, mais la confiance doit être forte pour faire repartir le pays correctement.
Économiquement, il faut décider d’un choc de défiscalisation pour les commerçants, artisans, libéraux en aidant les collectivités territoriales à procéder à des exonérations fiscales locales massives compensées par des hausses de DGF.
Je n’ai pas le temps de tout évoquer, mais je souhaiterai dire un mot sur les maires.
Il parait tout à fait normal qu’ils soient partie prenante dans ce plan mais il ne faudrait pas qu’ils soient utilisés comme un nouveau paravent par le gouvernement.
Nous avons déposé avec mes collègues du RN une proposition de loi visant à les protéger en cas de problèmes graves liés aux conséquences de vos décisions.
Monsieur le Premier Ministre, même si nous avons noté un changement perceptible de stratégie, avec une plus grande prudence, nous ne voterons pas votre plan car nous considérons qu’il existe trop de questions restées sans réponse claire pour se faire un avis éclairé.