Discours de Joëlle Mélin, conseillère politique de Marine Le Pen en matière de protection sociale et de santé, lors d'un colloque organisé par le conseil stratégique des industriels de l'innovation en sciences de la vie, FRANCE BIOTECH

Joëlle Mélin

26 janvier 2012

France Biotech avait soumis à tous les candidats à l'élection présidentielle de 2012, une plate-forme de 35 propositions fondamentales pour les industries de la biotechnologie, et avait souhaité entendre en retour les propositions des différents candidats déclarés.

L'intervention de Mme Joëlle Mélin :

Mesdames et Messieurs,

Mme Marine Le Pen, que je représente, vous adresse ses regrets de ne pouvoir être parmi vous. Elle remercie les organisateurs de leur invitation et félicite France Biotech pour la qualité de son manifeste de propositions.

Ces propositions sont parfois extrêmement précises, de l'ordre du législatif : nous sommes à ce jour dans une logique des grandes orientations présidentielles. Mais, d'ores et déjà, il apparaît que certaines réponses ne pourront être données qu’après examen des ressources financières qui seront disponibles, au regard de la dette nationale et sociale vertigineuse de notre pays.

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons à ce jour qu'être séduits par le réalisme, l'efficacité immédiate et somme toute, la modération de vos propositions.

Mais, avant d'entrer plus loin dans le détail de nos propositions pour la prospérité des entreprises françaises de biotechnologie, il convient d'éclairer trois facettes fondamentales à nos yeux :

-    comme dit très justement dans votre courrier d'invitation, il faut reconnaître la place prépondérante des sciences de la vie et de leurs entreprises dans le XXIe siècle, à l'instar de l'industrie chimique au XXe siècle

-    reconnaître la place fondamentale elle aussi, de l'intelligence et de l'intuition humaine que la machine ni ne peut  ni ne pourra, du moins nous le souhaitons, remplacer.

-    Et enfin, et fait le plus important à nos yeux, il s'agit de sciences du vivant régies par la maxime « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». La dimension éthique de nos industries des sciences de la vie ne doit jamais être oubliée et elle doit toujours être la cible d'autolimitation. Les politiques, quant à eux, rappelleront les limites de la brevetabilité du vivant et de sa financiarisation : pour le Front National, il est clair que l'économie est au service de l'humain et non l'inverse. Cela est un préalable doctrinal incontournable.

Preuve en est, tous les scandales qui éclatent aujourd'hui comme celui du  MEDIATOR et des prothèses mammaires PIP et ceux qui sont en préparation. Ils procèdent tous d'une marchandisation sans foi ni loi de la santé ou du vivant. In fine, c'est toute la crédibilité du domaine de la recherche de la santé qui est en jeu.

Pour être concret, le Front National n'a aucune difficulté ni avec l'esprit ni avec la lettre de votre manifeste : ce dernier, en effet, décline de très nombreux points que Mme MARINE LE PEN a souhaité voir figurer dans son programme présidentiel (qui est d'ailleurs en ligne depuis deux mois) et cela dans des domaines aussi divers, mais aussi complémentaires, que l'enseignement, la recherche, l'emploi, la ré-industrialisation, l'aménagement du territoire, la politique entrepreneuriale, la fiscalité, les relations commerciales internationales et bien d'autres encore…

C'est ainsi que nous proposons dans le cadre d'un État fort, non autoritaire, mais que nous voulons avant tout stratège :

I/ un programme en matière d'enseignement et de recherche

-    qui favorisera également les filières scientifiques et littéraires, ces dernières étant aptes à l'inventivité, à une démarche tout autant analytique que synthétique

-    qui permettra une meilleure orientation des cursus pré universitaires par une recherche de l'excellence dans les programmes et une meilleure adéquation dans les choix universitaires et de grandes écoles

-    cet enseignement devra préparer au plus tôt nos futurs chercheurs à l'ouverture internationale comme dans la tradition des tournées des capitales, mais aussi leur donner l'idée et l'envie de travailler en France

-    pour garder à la recherche sa qualité et sa réputation internationale, nous définirons les priorités de recherche et les axes de rapprochement entre grandes écoles, universités et organismes de recherche par la création de doctorats et de masters communs et par la tenue la plus rapide possible d'états généraux de la recherche.

-    La concentration des synergies pourra s'appuyer sur le regroupement des universités en Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur.

-    Nous insisterons sur les synergies public-privé, via le développement d'une logique de coopération transversale.

-    Les priorités dégagées auront toutes les attentions d'un organisme de Planification Stratégique de la Ré-industrialisation, directement rattaché au premier ministre. Le but en est, si besoin, que les filières industrielles puissent déterminer et cofinancer les travaux de recherche les plus utiles à leurs yeux.

-    Cette démarche se fera dans une logique d'évaluation et de transparence permanente.

-    Concernant la recherche publique qui correspond à 55 % de la recherche globale, elle sera financée sur objectifs et non sur reconduction des budgets.

-    La recherche universitaire sera caractérisée encore une fois, outre par son excellence, par la capacité au passage souple entre le monde de la recherche fondamentale et celui des métiers plus opérationnels.

-    Nous nous attacherons aussi à l'optimisation des carrières des chercheurs du public

-    au total, en cinq ans, nous souhaitons porter le budget de la recherche à 3 % du PIB afin d'être compétitif, non seulement vis-à-vis des États-Unis, mais aussi des pays européens qui ont pu bénéficier des budgets 2007-2013 que Bruxelles avait souhaité orienter en priorité sur l'innovation.

-    C'est à ce niveau que se place, à nos yeux, l'échelon régional, dont nous souhaitons qu'il appuie fortement, dans la mesure de ses finances et de ses prérogatives, les plans État-Région. Il s'agit d'un niveau pertinent pour l'épanouissement des PME à taille humaine, il peut y régner un climat de confiance indispensable. Les régions devront, outre la formation professionnelle et l'octroi des bourses doctorantes, avoir à cœur de favoriser plutôt la recherche et son environnement que les entreprises elles-mêmes, un saupoudrage n'étant pas toujours efficace.

II/ En matière d'emploi de ré-industrialisation et de fiscalité en direction des PME-PMI.

Force est de constater l’abandon des PME-PMI qui, dans un contexte général de désindustrialisation majeur, subissent déjà le frein de la complexité fiscale, administrative et sociale française, unique au monde. Avec une fiscalité en moyenne de 22 % contre 8 % aux grands groupes, avec des traités européens de concurrence dite « libre et non faussée », les difficultés de dépôt et d'utilisation des brevets, les PME innovantes sont en danger dès leur création.

Pour être concret :

-    Nous entamerons donc la grande réforme de simplification administrative pour les entreprises, cette réforme promise mais  jamais aboutie, et nous définirons des statuts adaptés des entreprises

-    C'est ainsi que le statut de la Jeune Entreprise Innovante est à nos yeux vital pour toutes les entreprises de recherche et développement qui ne peuvent, à tout le moins, envisager de retour sur investissement avant plusieurs années, et qui souvent perdent de l'argent dans cette même période.

-    Dans le cas des biotechnologies, le délai de huit ans ordinaire est un peu court, un délai de 12 ans serait sans doute plus adapté.

-    Ce statut de Jeune Entreprise Innovante s'assortira des dispositifs sociaux et fiscaux nécessaires pour les rendre attractives à nos élites nationales mais aussi aux élites internationales

-    La fiscalité sera adaptée par une réforme de l'impôt sur les sociétés pour encourager les investissements.

-    S’y associera aussi une stabilité fiscale

-    Nous envisageons, dans une certaine mesure, une baisse du coût du travail par une baisse des charges.

-    En attendant la reprise économique, la prolongation des délais légaux du CDD est une bonne piste provisoire.

III/ concernant le financement et l'orientation des fonds publics nous envisageons :

-    de renforcer le dispositif du médiateur de crédit

-    la création d'une banque publique de financement des PME-PMI pour démultiplier les actions d’OSEO (+50% à terme)

-    de restaurer le crédit impôt recherche dans sa forme antérieure à la loi de finances 2011 qui, de facto, grève les coûts de 35 % dès 2012 ; ce qui est mortifère pour les jeunes entreprises innovantes : les 5 millions du crédit impôt recherche doivent eux rester aux entreprises

-    ce crédit sera réservé en priorité aux PME-PMI innovantes et sera conditionné au maintien des centres de recherche et développement sur le sol national

-    il sera créé un fonds d'investissement stratégique des PME-PMI innovantes dans lequel nous inciterons les 40 plus grosses entreprises françaises à investir : à terme, il est espéré un investissement de 15 % de leurs bénéfices, soit 60 milliards sur cinq ans.

IV/ dans le domaine encore mal défini de la médecine personnalisée paraclinique (sachant que la médecine personnalisée est une obligation fondamentale dans l'exercice de leur profession pour tous les soignants), notre position est claire : cette voie est celle de la logique et de la bien traitance.

-    Cela supposera sans doute un redéploiement de l'industrie pharmaceutique qui verra certains pans de sa production moins utiles mais qui, a contrario, se verra offrir de nouvelles pistes inexplorées et novatrices

-    les prescripteurs devront eux-mêmes assurer sans doute une petite révolution

-    l'impact attendu concernera aussi bien la santé en général que la santé publique, et surtout la médecine préventive et environnementale

-    concernant les axes de recherche d'application des biotechnologies, nous appuierons tout particulièrement la recherche sur les pathologies cancéreuses et la maladie d'Alzheimer, mais aussi sur les pathologies virales et les maladies orphelines. Le souhait in fine est de privilégier, entre autres, des biotechnologies dans les domaines où la recherche médicamenteuse n'a pas été assez développée pour des raisons de rentabilité.

-    le système de protection sociale en vigueur sera sollicité au plus tôt en fonction des résultats des recherches et les inclura dès que possible dans la liste des actes de bon usage et des données modernes de la science. Cela bien évidemment après validation des instances scientifiques et sanitaires de notre pays

-    selon nous, cette voie diagnostique et donc secondairement thérapeutique, doit être facilitée en toute sécurité et toute fiabilité sans tarder.

V/ concernant la structuration spécifique d'une politique et de réglementation de l'innovation,

-    encore une fois nous privilégierons une logique de simplicité, d'efficacité, d'évaluation régulière de transparence

-    ce cadre réglementaire évoluera très promptement en fonction des progrès de la science

-    il s'imposera à tous les acteurs intervenant autour et pour les entreprises innovantes comme aux entreprises innovantes elles-mêmes

Nous pensons donc que les propositions de Mme MARINE LE PEN mettront fin aux différentes politiques de saupoudrage ou de réformettes sans visibilité, dans lesquelles la main droite reprend ce que la main gauche avait donné, et vice versa.

Elles permettront, dans le sillage de notre programme global économique et monétaire, de renforcer l'excellence et la prospérité de la recherche des entreprises françaises innovantes en général, et des entreprises de biotechnologies en particulier, qui, en même temps qu'elles prospéreront, sauveront des vies.

Je vous remercie de votre attention.

Joëlle Mélin

26 janvier 2012

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