Zéro artificialisation nette : la fin d’un rêve français sur un territoire de plus en plus fracturé.

Julie Rechagneux

Tribune libre

21 février 2023

Tribune de Julie Rechagneux 

 

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a imposé un objectif de zéro artificialisation nette d’ici à 2050. Charge aux régions, dans leur SRADDET (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) de fixer un objectif de réduction de l’artificialisation des sols de 50% d’ici 2030.

Cet objectif utopique de « zéro artificialisation » est défendu par le Gouvernement depuis 2018 mais est en réalité une vieille marotte de la gauche écologiste depuis des années. Déjà en 2011, dans la « Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources », la Commission européenne prévoyait « l’absence d’augmentation nette de la surface des terres occupées en Europe d’ici 2050. »

Alors qu’elle va profondément changer l’avenir de la France, la notion d’artificialisation des sols ne rencontre toujours pas de consensus. Les parcs et jardins sont par exemple considérés par cette loi comme des zones artificialisées alors que l’on voit mal comment cela pourrait se justifier. N’aurait-il pas été plus raisonnable de qualifier d’artificialisation une action de l’être humain sur un milieu naturel, présentant un caractère irréversible ?

Ceux qui défendent cette mesure très contraignante la justifient en affirmant que l’agriculture, et par conséquent notre souveraineté alimentaire, seraient menacées par l’artificialisation. Or, les collectivités ont déjà considérablement restreint les possibilités d’artificialisation en se fixant, de manière autonome, de nombreuses contraintes administratives. Plus de la moitié du territoire est d’ailleurs toujours constituée aujourd’hui d’espaces agricoles et ceux d’entre eux qui quittent cette catégorie ne sont pas tous artificialisés pour autant : 60% des sols agricoles entre 2006 et 2014 sont passés en sols boisés et naturels. La superficie de la forêt française a d’ailleurs quasiment doublé depuis le XIXème siècle.

Si le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de chuter et que notre souveraineté alimentaire est menacée, les raisons sont certainement à trouver ailleurs, par exemple dans la concurrence avec le monde entier imposée à notre agriculture par l’Union européenne.

Le rapport d’information du Sénat sur ce texte a estimé qu’un objectif de 50% de réduction de l’artificialisation pourrait conduire à construire 100 000 logements de moins chaque année, cela pénaliserait fortement le secteur du bâtiment qui emploie en France plus d’1 million de personnes et aggraverait la crise du logement.

Les objectifs irréalisables de réduction induiront un retour du « construire la ville sur la ville » or nous avons désormais le recul nécessaire pour analyser les lourdes conséquences sociales qu’a généré la construction verticale des années soixante- soixante-dix. Nous n’accepterons jamais une politique qui aura pour conséquence directe d’entasser les Français dans des tours comme des lapins d’élevage dans des cages.

La restriction des constructions aux seules zones déjà artificialisées aura également pour effet immédiat une hausse des prix du foncier, ce qui favorisera les classes aisées et pénalisera les classes moyennes et populaires. Fini le rêve français de la maison individuelle avec petit jardin ! En premier lieu, pour ceux qui n’auront plus les moyens de se le payer. Parmi les politiciens qui veulent imposer aux Français cette mesure inique, combien seront prêts à déménager de leur maison individuelle avec jardin pour vivre dans un immeuble collectif sans extérieur au nom de la sobriété foncière, du climat et de la résilience ? Aucun.

Enfin, l’application de cette mesure confortera le déséquilibre territorial dont souffre déjà la France. La réindustrialisation de notre pays, essentielle pour redynamiser les territoires oubliés, se heurtera nécessairement à cet objectif zéro artificialisation. Il est pourtant urgent de réindustrialiser nos territoires pour relocaliser les activités stratégiques en particulier dans les zones peu densifiées. Les nombreuses pénuries dont souffre la France aujourd’hui sont une sonnette d’alarme.

Le rééquilibrage des territoires ne pourra se faire qu’en mettant en place un vaste plan de démétropolisation et d’investissement massif dans les zones rurales, incompatible avec l’objectif ZAN.

La France n’est pas les Etats-Unis, le Brésil ou encore la Chine, nos villes sont à taille humaine et doivent le rester.

Derrière cet objectif surréaliste se cache en réalité une idéologie écologiste déconnectée du réel dont la décroissance est le but véritable. Les élus de terrain qui composent l’association des Maires de France et l’association des Régions de France ont d’ailleurs exprimé leur opposition à ce projet délirant. Au sein des hémicycles régionaux, les élus du Rassemblement national continueront de dénoncer cette mesure inique.

Julie Rechagneux

Tribune libre

21 février 2023

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