Bitcoin et consommation énergétique : le minage menace-t-il le climat ?

Annika Bruna

Tribune libre

08 mars 2021

Selon une étude de l’Université de Cambridge, le minage de bitcoin consommerait 126,36 térawattheures (TWh) par an d’électricité, soit plus que l’Argentine (121 TWh).

Le minage, c’est l’opération qui consiste à valider une transaction en cryptant les données et en l’enregistrant dans la blockchain. Les opérateurs, particuliers ou entreprises, utilisent la puissance de calcul de leurs ordinateurs pour valider cette transaction[1]. Les mineurs reçoivent en retour, sporadiquement, des petites quantités de bitcoin par le biais d’une forme de loterie.

La consommation d’énergie par le minage devrait augmenter suite aux récentes déclarations du patron de Tesla, Elon Musk, qui a investi 1,5 milliard de dollars dans le bitcoin. Il a également assuré que cette monnaie virtuelle serait acceptée comme moyen de paiement pour acheter ses voitures électriques.

Ces annonces sont de nature à augmenter le nombre de transactions, et par conséquent la consommation d’énergie associée au minage, ce qui est quelque peu contradictoire avec les objectifs environnementaux affichés par cette grande société.

La question de l’origine de l’énergie ne serait cependant être éludée.

Si l’énergie consommée pour miner est d’origine fossile, alors incontestablement le minage de cryptomonnaies, comme toutes les activités informatiques (courriels, usage des réseaux sociaux, transactions en ligne, etc.), devient une menace pour l’environnement.

Mais tel n’est pas le cas si l’énergie utilisée est nucléaire ou issue d’énergies réellement renouvelables, comme celles des centrales hydroélectriques.

Selon un rapport produit par Coinshare en 2019[2], 73 % de l’énergie utilisée pour miner du bitcoin proviendrait d’énergie renouvelable. En effet, 65 % du minage mondial est réalisé dans la région du Sichuan en Chine, où 90 % de l’électricité est issue de barrages hydroélectriques.

Dans cette province, la Chine s’est dotée d’une production supérieure à sa consommation, ce qui permet de dédier une partie de l’énergie excédentaire au minage de bitcoin[3].

Toutefois, ce minage « vert » n’a pas convaincu tout le monde puisque des pirates informatiques, des « hackers verts », menacent d’attaquer le bitcoin sur la blockchain publique afin de protéger l’environnement[4].

Ces menaces sont relayées au niveau politique puisqu’un ancien parlementaire britannique plaide pour l’interdiction du bitcoin[5]. Il s’agirait alors pour les banques centrales d’interdire la négociation et de contraindre les détenteurs de bitcoin à les échanger contre une autre devise lorsque ceux-ci souhaiteront opérer une transaction.

Cette autre devise pourrait d’ailleurs être une autre cryptomonnaie, telle que l’Ethereum 2.0, qui s’appuie sur une technologie moins énergivore.

Cette solution pourrait cependant s’avérer illusoire, dans la mesure où le bitcoin est parfois utilisé par des États pour échapper aux sanctions américaines, par des trafiquants pour blanchir de l’argent sale, par des contribuables pour frauder le fisc ou par des dissidents politiques pour échapper au contrôle de leurs oppresseurs. Pour toutes ces raisons, il y a donc fort à parier que toutes les banques centrales ne joueront pas le jeu d’une interdiction du bitcoin.

Il faut donc en revenir à des solutions plus légales que le piratage informatique et plus réalistes qu’une interdiction par les banques centrales.

Le développement des cryptomonnaies, de la même manière que le développement des voitures électriques, pose le problème de la production d’énergie. Énergie propre ou énergie qui émet du CO2.

Ce choix dépend fondamentalement et même presque exclusivement de la politique énergétique des États[6]. Ceux-ci ont la responsabilité de développer des énergies propres, en se gardant des mirages tels que l’énergie éolienne, énergie intermittente qui nécessite d’être couplée à des centrales au gaz ou au charbon ou l’énergie solaire qui demeure coûteuse, soumise aux conditions climatiques et dont le rendement diminue avec le temps[7].

Quoi que l’on pense du nucléaire, et sans minorer ses effroyables dangers, c’est une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre. Le nucléaire demeure en conséquence une énergie de transition, le temps de développer des sources d’énergie moins dangereuses.

Nous savons aussi que la géothermie, l’hydroélectricité et l’énergie marémotrice ne sont pas suffisamment développées, alors que leur potentiel est immense.

Les centres de valorisation énergétiques ont également un certain potentiel pour alimenter des réseaux de chaleur urbains. Avec mes collègues députés du Rassemblement National au Parlement européen, j’ai d’ailleurs invité la Commission européenne à prendre en considération cette ressource[8].

Il est également possible, à échelle locale, de récupérer la chaleur des datacenters[9] pour chauffer des bâtiments situés à proximité[10].

Il existe donc une multitude de sources énergétiques permettant aux États de se doter d’une électricité propre ou d’une source de chaleur dérivée.

Le minage de bitcoin, comme toute activité informatique, n’est pas bon ou mauvais en soi pour le climat. C’est la manière dont nous produisons l’énergie qui est bonne ou mauvaise.

Annika Bruna appelle les États membres à accélérer la transition énergétique en mettant en œuvre un mix efficace d’énergies véritablement renouvelables et résilientes. Le développement exponentiel des applications informatiques ne peut se faire que sous cette condition. Il est urgent et indispensable d’investir réellement dans les énergies du futur.

[1] En pratique, le processus consiste à résoudre des énigmes mathématiques qui permettent de garantir que personne ne modifie frauduleusement le registre des transactions.  https://www.journaldunet.fr/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1207718-miner/

[2] https://coinshares.com/assets/resources/Research/bitcoin-mining-network-december-2019.pdf

[3] A contrario, la Chine va interdire le minage de bitcoin dans sa province de Mongolie intérieure, où 8 % du minage mondial serait réalisé, car cette région produit l’électricité avec son charbon.

[4] https://cryptonaute.fr/la-consommation-denergie-de-bitcoin-relance-la-polemique/

[5] Idem.

[6] https://blogs.letemps.ch/yves-bennaim/2021/02/20/bitcoin-energies-renouvelables/

[7] https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/energie-renouvelable-energie-solaire-photovoltaique-sont-inconvenients-4129/

[8] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2020-005781_FR.html

[9] Lieux qui hébergent des milliers de serveurs sur lesquels sont stockées les données informatiques.

[10] https://www.villeintelligente-mag.fr/Recuperer-la-chaleur-des-datacenters-pour-chauffer-la-ville_a845.html

Annika Bruna

Tribune libre

08 mars 2021

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