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Sollicitée mais menacée : l’incroyable paradoxe de la filière « bois » française

Aurelia Beigneux

Tribune libre

04 novembre 2020

Tribune libre d’Aurélia Beigneux, Député français au Parlement européen, Membre de la Commission environnement

« Alors qu’on a l’une des plus grandes et belles forêts d’Europe, on importe des produits finis en bois, c’est une aberration complète. On ne valorise pas notre forêt. »

Voici les mots prononcés en avril 2017 par un Emmanuel Macron encore candidat à la présidence de la République, promettant un vaste plan de modernisation des scieries.

Car il est vrai que si la France est la première chênaie d’Europe et la troisième du monde, la filière connaît d’incroyables difficultés. Les différentes scieries du territoire voient pourtant leurs carnets de commande remplis. Les raisons sont nombreuses.

Le 25 Mai 2020, la cour des Comptes dressait un rapport lapidaire pointant le renouvellement insuffisant de la forêt française laissant craindre pour la disponibilité en bois d’ici 10 à 15 ans. Elle mentionnait aussi le changement climatique (tempêtes, sécheresses, incendies, agents pathogènes et insectes ravageurs) et la gestion éclatée et morcelée de la forêt française, divisée entre différents ministères.

La filière est également menacée par le déficit commercial. En effet, si la France exporte la matière première, les produits à forte valeur ajoutée issus de la transformation du bois, eux, sont importés. Pire encore, les exportations de la France mettent parfois en péril l’approvisionnement des scieries nationales, 25 à 30% des grumes partant à l’étranger. Une fois encore, produire localement revient plus cher que d’importer un produit fabriqué à l’autre bout du monde !

Et ce problème d’approvisionnement a des conséquences ! Les prix de la matière première explosent, alors que celle-ci vient en majeure partie de France ! De fait, la filière ne tourne qu’à 60% de ces capacités. Précisons qu’au même moment, les prix des équipements ne cessent de s’envoler.

Comme dans de nombreux domaines, il est urgent d’en revenir à des circuits courts, de valoriser le savoir-faire français et surtout d’appliquer un protectionnisme intelligent. Protéger la matière première c’est ce que font 180 pays du monde. Encore une fois, la France, à la traîne, pénalise sa propre industrie par pur dogmatisme.

Quotas d’exportation, priorité donnée aux scieries françaises, « super-taxes » à l’export, les solutions sont nombreuses et appliquées partout ailleurs. La France scie la branche sur laquelle elle est assise alors qu’il est impératif de favoriser la production française et d’exporter l’excédent.

S’il est urgent de favoriser nos propres scieries dans l’approvisionnement, il ne faut pas oublier un point essentiel. Valoriser notre forêt, c’est aussi accompagner nos entreprises et leur donner la possibilité de fabriquer, puis d’exporter des produits finis de grande qualité. C’est aussi revaloriser le métier de garde-champêtre, aujourd’hui vidé de son sens.

Loin de la vision réductrice qu’en ont nos adversaires politique, le localisme donne les moyens à nos artisans de faire rayonner le savoir-faire français au-delà des frontières.

N’en déplaise à un Président pour qui la culture et l’art français n’existent pas.

Aurelia Beigneux

Tribune libre

04 novembre 2020

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