Tribune de Thibaut de La Tocnaye, dirigeant-fondateur d’entreprises industrielles et high-tech, conseiller régional PACA, membre du Bureau National du RN
Le 24 avril 2019, le Président Macron annonçait le lancement du Pacte productif pour le plein-emploi en 2025. Et cinq groupes de travail « resserrés » autour d’un ministre se sont mis à plancher sur les volets suivants :
- Numérique
- Innovation technologique
- Industrie
- Energie
- Agriculture et Agro-alimentaire
La conclusion et la synthèse de cette grande concertation doivent intervenir à la mi-octobre… Or, Philippe Varin, Président de France Industrie (actuel président du conseil d’administration d’AREVA et ancien Dirigeant de PSA), dans une interview dans Usine Nouvelle du 23 Septembre dernier, met en garde contre un manque d’ambition de ce Pacte : « - Il y a une envie d’industrie sur le terrain que je n’ai jamais connue à ce point. L’Etat a lancé des réformes importantes… Mais aujourd’hui, il n’y a pas de Conseil Etat-Régions pour coordonner la mise en œuvre de ces actions et il faut par ailleurs des instances de travail pour en discuter et embarquer les industriels avec les exécutifs locaux. Tout ne peut pas venir d’en haut et il y a en ce moment trop de pertes d’énergie par frottements et d’inertie dans nos dispositifs ». En clair, le risque est qu’évidemment aucune vision stratégique de l’Etat, étayée et validée par les professionnels, ne se dégage de ce énième plan de prétendue relance économique !
De fait, l’inquiétude de Philipe Varin est la traduction concrète de ce que je dénonce dans mon livre « Le choix souverainiste » comme un des blocages au redressement de la France, à savoir l’absence structurelle de représentation professionnelle… Non seulement les Syndicats français (salariés, cadres ou patrons) sont la lanterne rouge de l’Europe en matière d’adhésion (inférieur à 7% pour une moyenne européenne de 24%) et donc ne représentent pratiquement personne, mais les branches professionnelles sont encore inopérantes malgré les réformes en cours (Valls puis Macron) à la différence encore une fois de tous les pays développés d’Europe. Véritables « corps intermédiaires » regroupant toutes les entreprises d’un même secteur, les Branches professionnelles devraient être le lieu idéal de l’élaboration du véritable programme stratégique de réindustrialisation de la France. Quant aux 14 filières stratégiques définies par Sarkozy, elles n’ont même pas été découpées en sous-filières (!) de façon à quadriller correctement le champ de la réindustrialisation et du renouveau agricole. Il serait urgent par exemple pour chaque Filière d’identifier les métiers de sous-traitance stratégiques (parmi les sous-filières) qu’il convient de sauvegarder ou de développer malgré les différents dumpings de la concurrence. Exemple la plasturgie pour l’automobile ou les matériaux composites pour l’aéronautique.
La France est bloquée par l’idéologie ultralibérale et mondialiste du gouvernement en place mais aussi - j’ose le dire - par un manque de compétence réelle. Les politiques au pouvoir sont beaucoup trop loin des réalités de la désindustrialisation ou de la désertification rurale et ne comprennent pas comment il faut faire et par où il faut commencer pour réindustrialiser et relancer l’agriculture (et l’agro-alimentaire). Ont-ils ainsi conscience qu’il y a urgence à faire sauter deux autres blocages qui empêchent tout redressement économique ? A savoir la divergence et la concentration de la finance qui ont détourné celle-ci de la mission initiale du capitalisme qui est justement le financement et la protection de l’entreprise vis-à-vis des prédateurs extérieurs. Et oui !... qui se souvient que le vrai capitalisme d’entreprise – le seul acceptable - a pour but d’assurer l’indépendance et la pérennité de son capital et non pas l’inverse ! J’aborde dans « Le choix souverainiste » toute une série de mesures qui visent à recentrer le capitalisme sur l’entreprise, seule créatrice de richesse, faut-il le rappeler…
Et bien sûr la confiscation systématique par l’Union européenne de toutes nos souverainetés fonctionnelles (énergétique, agricole, environnementale, industrielle, mais aussi « transports » ou « aménagement du territoire »…) est un troisième verrou à débloquer pour retrouver les degrés de liberté et les marges de manœuvre indispensables au déploiement de notre stratégie de démétropolisation, comme le dit Marine Le Pen, et de reconquête de l’espace rural et semi-rural. Or deux tiers des Français vivent en dehors des métropoles, c’est-à-dire en zone rurale ou périurbaine. Et je démontre dans « Le choix souverainiste » que le renouveau agricole et la réindustrialisation sont totalement complémentaires et nullement antinomiques. En effet cette dernière doit consister avant tout à implanter, réimplanter ou développer les PMI et ETI (Entreprises à Taille Intermédiaire) en zones rurale ou semi-rurale, car c’est là qu’elles se situent actuellement (à plus de 75 % !) et qu’elles ont vocation à prospérer. Car ce sont elles qui disparaissent à vue d’œil et remettent dangereusement en cause la viabilité des chaînes de sous-traitance vitales aux « ensembliers » des différentes filières. A la différence de ceux-ci (ensembliers ou grandes entreprises) qui sont toujours bien présents et bien portants (mais jusqu’à quand ?) et qui se situent, quant à eux, majoritairement dans les métropoles.
En définitive, sans un authentique État stratège, affranchi de Bruxelles, s’appuyant sur des corps intermédiaires rénovés et réellement représentatifs du monde du travail, aucun redressement significatif de la France ne sera possible.