« Plan Marshall » en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : l’esbroufe, le coup de bluff !

Amaury Navarranne

Tribune libre

14 avril 2020

Tribune libre d’Amaury Navarranne, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, membre du conseil national du Rassemblement National

Pendant qu’il accuse les Américains de « piquer » les commandes de masques de certaines régions sur les tarmacs des aéroports, Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, annonce un « Plan Marshall » d’1,4 milliard d’€uros pour notre collectivité, afin de répondre aux effets de la crise sanitaire et économique du Coronavirus covid-19.

Pour rappel, le « Plan Marshall » fut ce programme américain de prêts accordés aux différents États européens pour aider à la reconstruction des villes et des installations bombardées par les mêmes Américains lors de la Seconde Guerre mondiale. Ces prêts étaient assortis de la condition d’importer pour un montant équivalent d’équipements et de produits américains.

Au-delà de la référence étrange et des impacts que ce plan a eu quant à la domination ou l’influence des Etats-Unis d’Amérique sur notre continent, il convient de se poser la question : 1,4 milliard d’€uros mis sur la table par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour répondre à la crise sanitaire et économique actuelle, est-ce possible ?

Oui, techniquement. Peu probable en fait dans la réalité. En pratique, et en regardant d’un peu plus près ce qui est annoncé sur le site même de la collectivité (https://www.maregionsud.fr/actualites/detail/14-md-eur-pour-le-plan-durgence-de-solidarite-et-de-relance-de-la-region-sud), les chiffres sont parlants.

En matière de dépense publique, il est utile de rappeler préalablement que tout est retracé dans des budgets ou des comptes de gestion annuels, fléché par postes et lignes comptables. Chaque année, la région se base sur un budget de 2,1 milliards d’€uros, composé de dépenses de fonctionnement et d’investissement, elles-mêmes compensées par des recettes de même ordre.

Cela étant posé, il convient de se demander si « dépenses nouvelles » de ce « Plan Marshall » il y a, quelles seraient les « recettes nouvelles » liées à ce plan. La réponse ne nous a pas encore été apportée par l’exécutif régional.

Puis on regarde les annonces. Achats de trains, de cars, le contrat de performance SNCF réseau : les 762 millions d’€ correspondent à ce qui était déjà programmé en matière de transport régional ; d’ailleurs, qui peut croire qu’il aurait fallu attendre une telle crise pour avoir l’ambition de renouveler le matériel ? La gratuité des transports pour le personnel de santé a, elle, déjà été actée et prise en charge par la SNCF à l’échelle nationale. Les 21 millions d’€ du plan de soutien pour les transporteurs de voyageurs et de scolaires ne sont pas une dépense mais une économie de 23% (et non 33% comme écrit par erreur dans une première version – NDLR) sur le montant prévu et budgété initialement pour un service plein à destination des structures effectuant les trajets pour le compte de la région qui en a la compétence. Les 5 millions d’€ de subventions aux clubs sportifs et les 30 millions d’€ de subventions dans le domaine de la culture étaient déjà programmés au budget primitif 2020Les 50 millions aux lycées correspondent à la somme déjà investie pour les achats de tablettes et les améliorations des équipements et des infrastructures dans nos établissements. Les 100 millions pour l’autoroute du quotidien correspondent aux engagements passés. Les Fonds régional d’aménagement du territoire (FRAT) prévus et budgétés, sont juste rebaptisés « FRAT COVID » ; les 100 millions d’€uros « historiques » pour « la recherche et les conditions de travail des soignants » correspondent au plan récurrent de développement des maisons régionales de santé, au SAMU régional déjà voté

On le voit bien, ce « Plan Marshall » n’est qu’un slogan outrancier et grossièrement trompeur à 90% au moins des sommes annoncées. Il cache du coup surtout les actions réellement spécifiques de la région dans cette crise : la moyenne de 571€ pour les étudiants en santé mobilisés (8 millions d’€), l’aide de 2 millions d’€ pour le rapatriement de nos étudiants à l’étranger, notre participation à hauteur de 18 millions d’€uros pour le plan de solidarité national d’aide aux très petites entreprises et aux indépendants (jusqu’à 1.500€ d’aide) porté par l’Etat, les mesures administratives simplifiant certaines démarches. Quelques autres actions louables complètent ce dispositif. Se restreindre à ne parler que de cela était peut-être moins grandiose, mais plus juste.

Sur les rives de la Méditerranée, on devrait se rappeler ce dicton du célèbre marin Éric Tabarly : « Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas ». Renaud Muselier tient la barre de notre collectivité ; il nous serait bon qu’il évite de bluffer. Cela nous éviterait de passer encore pour des gens du Sud jamais très sérieux…

Amaury Navarranne

Tribune libre

14 avril 2020

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