Maîtrise du français : quand la France brade sa nationalité

Dominique Bilde

Tribune libre

14 mai 2019

Tribune de Dominique Bilde, Député français au Parlement européen

 «Est-ce que le facteur est passé ?» Réponse a/ «Non, tous les jours», réponse b/ «Non, pas encore...»

Ce n’est pas ce que l’on pourrait appeler une colle, et pourtant à la réponse à une telle question est suspendu un précieux sésame : la naturalisation française. Depuis l’au-delà, les sages qui la conditionnaient, par l’ordonnance du 19 octobre 1945, à « une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française » apprécieront.

Certes, sous l’ère Sarkozy, on aura feint de taper sur la table. Au modeste niveau de langue A1, qui certifie tout juste la capacité à demander (et obtenir !) une baguette de pain, le décret n° 2011-1265 substituera le plus respectable B1.

Reste que ce niveau, pompeusement qualifié d’« utilisateur indépendant », atteste simplement de l’aptitude à former un « discours simple et cohérent sur des sujets familiers. » Rien qui garantisse l’assimilation à la société française, d’autant que seuls l’oral et l’écoute -et non pas la lecture ou l’écriture- sont pris en compte.

Quant à la teneur de ces évaluations, le très sérieux Le Monde en offrait en 2012 un aperçu édifiant. En témoigne cet examinateur, qui conseillait sagement aux candidats qui ne « peuvent pas lire » de « tout miser sur le premier exercice et [de] bien se concentrer. » Et un encadrant de reconnaître que le seuil de réussite, de 160 points sur 495, était en pratique atteint par neuf candidats sur dix. On est loin des épreuves de naturalisation britanniques, où une personne sur trois échoue, ou du taux de succès danois de 30% environ.

Tout ceci est consternant, mais il y a pis. En 2013, sous François Hollande, c’est le bien modeste, mais louable, QCM de culture générale qui passait à la trappe, au profit d’un simple entretien à bâtons rompus avec un fonctionnaire de préfecture. Au menu, à en croire un reportage de France TV Info de 2016,  des questions aussi peu subtiles que celle de la répartition des tâches ménagères dans le couple, censée sans doute effaroucher les islamistes en puissance.

Guère étonnant dans ces conditions que les demandes d’asile explosent, quand les naturalisations se maintiennent, elles, à un niveau élevé : 83 674 en 2017, selon Le Figaro.

Quant aux solutions esquissées par Édouard Philippe, elles ont semblé se limiter jusqu’à présent à frapper le contribuable français au portefeuille. En témoigne l’augmentation de 34 % des crédits alloués à l’Office français de l’immigration et l’intégration, afin de doubler les heures de cours de langue.

Quid de l’engagement personnel du candidat à la naturalisation ? Car si, selon la formule consacrée d’Ernest Renan, l’appartenance à la nation française relève d’un « plébiscite de tous les jours », c’est bien qu’elle implique un certain nombre d’efforts, voire de sacrifices. A l’heure où des prénoms toujours plus exotiques fleurissent dans les états civils de nos mairies, il est urgent de rappeler, à l’instar d’un Donald Trump, que l’immigration sur notre sol, loin d’être un droit, est avant tout un privilège.

Dominique Bilde

Tribune libre

14 mai 2019

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