RN

Le programme « France Relance » du gouvernement est tout sauf un plan de relance économique !

Thibaut de la Tocnaye

Tribune libre

11 septembre 2020

Tribune de Thibaut de La Tocnaye, dirigeant-fondateur d’entreprises industrielles et high-tech, conseiller régional de Provence, membre du bureau national du RN

I. Une enveloppe beaucoup trop petite

Tout d’abord, contrairement à l’effet d’annonce escompté par le gouvernement, le programme « Relance France » de « 100 milliards » a une enveloppe beaucoup trop petite pour être un « plan de relance » indiscutable. Pourquoi ? Tout d’abord, le financement du programme s’étend sur deux ou trois ans, de 2020 à 2022. Donc l’effort financier annuel porte au maximum et au mieux sur 30 à 40 milliards réellement réalisés par an.

Ensuite, le plan de « relance » français est nettement inférieur aux plans allemand ou américain par exemple. Ainsi Berlin aura consacré 6% de son PIB pour contrecarrer la crise et Washington 10 % de son PIB. En ce qui nous concerne, ce sera seulement 4 %... alors que nous sommes les plus touchés avec - 10 % de notre PIB attendus sur 2020 pour - 6% pour l’Allemagne et les Etats-Unis. Pour finir, le versement effectif des fonds du plan français sera bien plus lent que celui des fonds allemands ou américains.

Nous avons un gouvernement Castex qui n’a pas saisi l’ampleur du problème et finalement l’enjeu exceptionnel de ce plan de relance. Encore une fois, les préoccupations électoralistes et bassement politiciennes l’auront emporté sur le réel souci de l’économie française. Il est vrai que l’incapacité des gouvernements successifs à mobiliser le système bancaire français ainsi que nos fonds d’investissement en direction des entreprises se paye ici très cher. L’inaptitude chronique de l’Etat français à « entraîner » les financements privés dans son sillage est donc lourde de conséquences.

II. Un programme sans vision ni stratégie

Ce qui frappe dans un deuxième temps, c’est l’absence de vision de ce programme « France Relance ». On cherche bien sûr en vain l’Etat-Stratège qui, profitant – j’ose
le dire – de la crise, déciderait de pallier enfin les carences structurelles de notre économie. Où se trouve l’allocation en moyens financiers et humains nécessaires
au développement des dix plus grands projets d’avenir français, au rattrapage vital de notre recherche appliquée déficiente, aux relocalisations ciblées, à la recapitalisation des cinq ensembliers les plus emblématiques et au financement massif en fonds propres de nos PMI et ETI les plus fragilisées… bref à la ré-industrialisation de notre pays ?

Certes, on trouve quelques mesures substantielles comme le développement de l’hydrogène vert pour 2 milliards, à coupler avec les 3,4 milliards de financement en direction des marchés-clés des technologies vertes (de nouveau l’hydrogène avec les matériaux recyclés et les biocarburants). Mais à part le soutien aux secteurs de l’aéronautique et de l’automobile pour (seulement) 2,6 milliards, le dérisoire soutien au nucléaire pour 200 millions (!) et le presque aussi dérisoire soutien au secteur spatial pour 515 millions, il n’y a guère que les 2,6 milliards de financement du numérique (cyber, cloud, quantique, intelligence artificielle…) à associer aux 1,95 milliard alloué aux projets d’innovation des filières stratégiques qui obéissent, de façon significative, à une réelle logique d’anticipation de notre redéploiement industriel et de notre déploiement high-tech.

En réalité, ce sont uniquement quelque 15 milliards au maximum (sur deux ou trois ans, je le rappelle) qui sont consacrés à la fois au renforcement de notre industrie traditionnelle, si mal-en-point, et à l’accélération des développements dans les secteurs de rupture technologique. C’est vraiment insuffisant. Et surtout, on perçoit clairement qu’aucune analyse ni consolidation sérieuses n’ont été élaborées par le gouvernement Castex et le ministère de l’Économie de Bruno Le Maire en matière de protections, développements ou réimplantations indispensables dans les secteurs-clés de nos filières industrielles, énergétiques et agricoles.

On observe ainsi des impasses totales dans les domaines du biomédical et des produits et équipements de santé dont la disparition de la fabrication sur notre territoire a pourtant été largement évoquée lors de la crise sanitaire. Idem pour l’agroalimentaire qui devrait être la « priorité des priorités » en termes de sauvegarde et de redéploiement au plan domestique. Où sont donc les financements de projets et procédés d’élaboration de produits de transformation à partir des produits agricoles de base qui manquent cruellement à la filière française et qui sont aujourd’hui fabriqués ailleurs et parfois très loin ?... dans les sous-filières du bois, des céréales, de la viande, des laitages… pour ne citer que celles-ci.

Dans le cadre de la transition écologique et énergétique, où est le financement significatif de la géothermie industrielle, une des seules énergies renouvelables dignes de ce nom, connues à l’heure actuelle ? Et où se situe l’effort indispensable en matière de nucléaire du futur ?... à savoir la thermo-fusion contrôlée et surtout la transmutation par laser dont la France peut s’honorer d’avoir un des plus grands savants en la personne de Gérard Mourou (prix Nobel de physique 2018) sur son sol.

Enfin, pour parachever une nécessaire vision globale de la ré-industrialisation, il aurait été judicieux de prévoir la réhabilitation d’un secteur amont-clé pour l’ensemble de l’industrie, je veux parler de l’électronique avec la réimplantation d’unités de production de dimension mondiale de semi-conducteurs et surtout de micro-processeurs à partir du savoir-faire de STMicroelectronics par exemple. Et dans une perspective d’anticipation, il aurait été non moins stratégique de multiplier nos efforts dans les matériaux composites, domaine d’excellence de la France et secteur de plus en plus transversal pour l’ensemble de l’industrie.

III. Des mesures « contraintes » et biaisées par l’Union européenne

Ce n’est pas un hasard si nous prévoyons avec Marine Le Pen, en cas de victoire en 2022, de renégocier avec l’Union européenne un certain nombre de recouvrements de souverainetés absolument indispensables pour mener à bien l’ensemble des réformes utiles au redressement de la France. La souveraineté dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, de l’énergie, de l’aménagement du territoire et des transports en fait évidemment partie. Et il est clair que la présidence Macron qui, par définition, s’y refuse est quelque peu gênée aux entournures - c’est un euphémisme - pour pouvoir finaliser un plan de relance économique valable, c’est-à-dire avec une authentique ré-industrialisation à la clé !

Voilà pourquoi à part la transition écologique, et le numérique dans une certaine mesure, nombre de secteurs pourtant cruciaux pour la relance sont complètement absents du programme « France Relance » : ils ne pourraient être éligibles dans le cadre des 40 milliards financés par l’UE…

Outre ce handicap invraisemblable, une autre souveraineté nous fait cruellement défaut pour mener à bien la ré-industrialisation, c’est la souveraineté monétaire. Indépendamment de notre impossibilité à agir (même indirectement) sur la parité de l’euro, défavorable à nos exportations, il y a surtout la véritable confiscation par la BCE de notre capacité, grâce à la création monétaire, à alimenter des fonds d’investissement stratégiques de ré-industrialisation filière par filière. En fait la création monétaire de la Banque Centrale de Francfort est, comme l’on sait, quasi exclusivement réservée au rachat d’actifs des banques qui ne servent in fine qu’à la spéculation et en aucune manière à la vraie création de richesses au sein de l’économie réelle, spécialement dans l’industrie, l‘agriculture et à un degré moindre dans les services.

IV. Un programme de court terme avec peu d’investissement et très peu de renforcement de fonds propres

Pour conclure, il faut noter que ce programme « France Relance » n’est pas non plus un véritable plan de relance, car il dédie finalement assez peu de mesures aux investissements : à peine 30 milliards sur les 100. De plus, le renforcement en fonds propres des entreprises, particulièrement des PMI - souvent quatre fois moins capitalisées que leurs équivalentes germaniques ou britanniques - est également un fort sujet de déception dans l’optique d’un rétablissement de notre tissu industriel.

En réalité, ce plan du gouvernement répond avant tout à une double vision de court terme : on privilégie les applications et les projets industriels « immédiats », voire des dépenses courantes recyclées, par rapport à des investissements structurants à moyen et long terme (nouvelles unités de fabrication, grands projets préindustriels, R&D,…) et on a choisi volontairement le saupoudrage « clientéliste » plutôt que des réelles options stratégiques qui auraient exigé une authentique compréhension du monde du travail et des besoins des branches afin de hiérarchiser les priorités de la ré-industrialisation !

D’ailleurs, la synthèse de cette vision court-termiste est illustrée par le montant grotesque alloué aux relocalisations « stratégiques », à savoir 600 millions pour la sécurisation des approvisionnements et 400 millions pour les projets industriels dans les territoires. A titre indicatif, une seule usine, un peu sophistiquée, de fabrication de composants ou de produits semi-finis, en moyenne ou en grande série, dans n’importe quel secteur « coûte » de 30 à 150 millions… Le plan Macron finance donc potentiellement la relocalisation de dix unités de fabrication. Bravo ! Bien vu.

Thibaut de la Tocnaye

Tribune libre

11 septembre 2020

>