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Le contre-projet du RN sur l’islamisme

Jean-Paul Garraud

Tribune libre

24 février 2021

Le projet de loi dit « séparatisme » a été adopté en première lecture ce mardi 16 février 2021. Ayant œuvré à l’élaboration du contre-projet de loi présenté par les députés du Rassemblement National, j’aimerais répondre à certaines interrogations soulevées par nos adversaires, qui semblent ne pas vouloir comprendre ce que contient notre texte.

Le premier argument qui nous a été opposé est que notre contre-projet serait « inconstitutionnel ». C’est inexact. Notre contre-projet de loi vise à répondre à l’enjeu vital du séparatisme islamiste qui divise notre société. Il ne porte nullement atteinte à la liberté de conscience. Nous sommes attachés à la défense des libertés publiques et des droits fondamentaux ; socle d’une démocratie libérale dans laquelle les idées politiques, les croyances religieuses, les convictions philosophiques, et, de manière plus générale, les opinions personnelles, sont plurielles. Leur expression est libre et protégée. Toutefois, la liberté de conscience, seule liberté dont le champ d’application n’est pas délimité par la loi, peut trouver des restrictions dans sa manifestation publique. Notamment quand la manifestation d’une opinion personnelle peut troubler l’ordre et la sécurité publics, la tranquillité de tous. C’est l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme de 1789.

La Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales n’en dit pas moins au deuxième paragraphe de son article 9, que je me permets de reproduire ici: « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » Notre contre-projet ne vise pas à interdire l’opinion islamiste, nul ne pouvant être contraint en son for intérieur, mais bien à réduire sa manifestation dans l’espace public. La nuance est de taille.

Ce que nous voulons prohiber n’est donc pas le fait d’avoir des convictions islamistes. La loi doit en revanche pouvoir dire explicitement que l’islamisme, par sa nature même, mène une guerre contre la France dans le projet avoué de dominer notre pays, d’en changer les mœurs et les lois. C’est précisément, du reste, ce que recouvre le terme de « séparatisme » avancé par le gouvernement. L’islamisme comprend d’ailleurs, dans sa vision du monde, des valeurs irréconciliables avec les principes libéraux qui sont les murs porteurs de notre droit, de nos institutions politiques, jusqu’à notre civilisation.

Ainsi, le droit islamique que les islamistes entendent appliquer littéralement, comprend des règles en opposition avec notre Ordre public, le droit de la famille étant régulièrement cité comme l’une de ces principales pommes de discorde. Les filiations sont, par exemple, traitées inégalement. Plus grave encore, les personnes n’ont pas les mêmes droits et y sont discriminées en fonction de leur sexe ou de leurs confessions religieuses, ces règles islamiques ayant des incidences en matière fiscale, civile ou encore pénale.
Le principal grief que l’on peut formuler à l’encontre du projet de loi séparatisme de Gérald Darmanin est donc qu’il ne désigne pas plus le phénomène qu’il n’entend combattre ses manifestations. La loi prend le risque de réduire les libertés de tous pour contrer les ennemis de la liberté que sont les islamistes. C’est une erreur fondamentale, majeure. En tant que défenseurs des libertés publiques et des droits fondamentaux, nous jugeons que s’attaquer très directement aux ennemis de la liberté permet de protéger les libertés de l’ensemble de la société. La diffusion des idées islamistes n’entre pas dans le cadre de la divergence d’opinions, ces derniers ne proposant in fine pas autre chose qu’une sécession pure et simple avec la communauté nationale. Séparation qui ne saurait être tolérée s’ils persistaient à vouloir vivre sur le territoire national.

Les islamistes sont les premiers à stigmatiser la religion musulmane, leurs agissements associant tristement l’ensemble des croyants de cette religion à leur projet politique. Raison pour laquelle la loi doit définir l’islamisme comme étant une idéologie prohibée, ce que s’attache à faire notre contre-projet en donnant les caractéristiques détaillées qui la rendent incompatible avec notre État de droit. La première condition nécessaire et préalable est que cette pratique entraîne l’existence d’un trouble à l’ordre et à la paix publics. Les dernières années nous ont tout de même enseigné que l’islamisme provoquait des divisions au sein de la communauté nationale, incitant des Français à se séparer de la communauté nationale en partant au djihad au Moyen-Orient, en commettant des attentats en France, en discriminant les femmes, en portant le voile intégral dans les rues pour signifier leur insoumission aux lois de la République, en harcelant des professeurs qui auraient eu le tort d’enseigner des leçons en contradiction avec leurs principes, etc.

Quant aux caractéristiques spécifiques pouvant entraîner l’interdiction d’une idéologie, elles semblent toutes réunies pour le cas particulier de l’islamisme qui refuse de respecter la laïcité, qui est un facteur de scission majeur induisant des menaces graves pour l’unité de la Nation et l’intégrité de son territoire, qui est incompatible avec les droits, libertés et principes reconnus ou consacrés par la Constitution et notamment la dignité de la personne humaine ou la liberté de conscience et d’expression. De fait, tout islamiste conséquent reconnaîtra que les enseignements de ses maîtres sont en opposition frontale avec les principes libéraux du bloc de constitutionnalité français. Eux-mêmes le répètent fréquemment dans les prêches qu’ils donnent à l’étranger et qui sont diffusés sur internet, comme, c’est plus problématique, dans certaines mosquées en France. Dès lors, il ne peut y avoir d’équivoque ni de confusion : les croyants et pratiquants de l’islam étrangers au projet de cet islamisme fanatique et totalitaire, et, n’ayant pas de lien avec ses adeptes témoignant, de leur part, d’une adhésion ou d’une participation à ce projet, ne sauraient avoir la moindre crainte à cet égard : ils ne sont en rien visés, et, personne, de bonne foi, ne peut faire l’amalgame à cet égard.

Le contre-projet de loi défendu par Marine Le Pen présente donc le double avantage d’être plus explicite sur la question de l’islamisme que le projet du gouvernement, mais aussi, c’est tout aussi important, de ne pas réduire les libertés publiques du reste de la population par lâcheté, paresse intellectuelle ou résignation coupable. C’est parce que je suis resté fidèle à mes principes que j’ai contribué à l’élaboration d’une loi que je crois potentiellement aussi utile que la loi du 11 octobre 2010 – dont j’étais le rapporteur UMP -, ayant consacré l’interdiction du voile intégral. Loi qui a ajouté à la notion classique de l’Ordre public, une dimension sociétale consacrée depuis par le Conseil constitutionnel. J’ai aussi été à l’initiative de la création du parquet national antiterroriste. Une idée reprise partiellement par Emmanuel Macron… je m’en félicite, mais nous irons plus loin. Peut-être aurait-il dû faire preuve de la même ouverture d’esprit dans sa lutte contre le séparatisme islamisme, le projet de loi définitif étant par trop insuffisant. Cette guerre demande un corpus législatif ferme, précis et explicite pour être réellement efficace.

Jean-Paul Garraud

Tribune libre

24 février 2021

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