Gare du Nord : Paris outragé, Paris défiguré !

Dominique Bilde

Tribune libre

23 septembre 2019

Tribune libre de Dominique Bilde, député français au Parlement européen

Nul autre pays que la France n’aura sans doute fait montre d’un tel acharnement à défigurer son patrimoine historique. En particulier, la fringale française pour les baudruches modernistes s’illustre singulièrement dans ses gares, érigées au XIXème siècle en symboles d’une France confiante en l’avenir.

Dès 1969, l’ancienne gare de l’Ouest cédait ainsi la place à la Tour Montparnasse, avec le succès que l’on connaît. Boudée par les touristes, elle se voyait décerner en 2008 le titre peu enviable de second monument le plus laid au monde par VirtualTourist.

Une déconvenue qui n’aura, semble-t-il, pas découragé les apprentis sorciers de l’avant-gardisme d’opérette, qui sévissent depuis lors dans l’ensemble du pays. En témoigne mon Grand Est natal, entre la nouvelle gare de Lorraine TGV simple parallélépipède translucide triste comme un jour sans pain ou la gare de Strasbourg en grès rose des Vosges mise sous cloche en 2007.

La perspective des Jeux olympiques 2024 offre désormais une victime de choix : la Gare du Nord qui, en dépit de l’insécurité rampante du quartier alentour, conserve quelques vestiges de son lustre d’antan. Le célèbre média d’information américain CNN Travel lui accordait ainsi en 2015 la première place dans sa liste des gares parisiennes les plus grandioses. « Certains des quais sont éclairés par des lampes romantiques ! » s’extasiait la chaîne d’information, rappelant que la gare fut l’un des théâtres du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Outre-Atlantique, l’argument fait sans doute recette...

Mais foin des rêveries sentimentales ! C’est en gigantesque centre commercial que le projet de 600 millions d’euros mené par Auchan et la SNCF devrait convertir la gare, ce qui ralentirait, au passage, le trajet des voyageurs, désormais contraints de traverser la nouvelle galerie. Du reste, l’édifice de 1864 s’en trouverait bouleversé, de façon « inacceptable » selon une tribune d’éminents architectes du 3 septembre dernier. C’est donc le bien-être aussi bien que le bon goût qui seraient ainsi sacrifiés au profit d’une « conception du commerce honteuse » selon l’architecte Roland Castro.

Certes, l’augmentation du trafic à l’horizon 2030 rend un aménagement de la gare du Nord indispensable. Mais ce énième projet pharaonique conçu en dépit du bon sens insulte aussi bien notre histoire que des millions de Franciliens à qui l’on signifie sans ambages que leur confort pèse peu face aux diktats de quelques grandes enseignes commerciales.

Dominique Bilde

Tribune libre

23 septembre 2019

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