Gare de l’Est: pour la LREM, les « provinciaux » sont des citoyens de seconde zone ! 

Dominique Bilde

Tribune libre

31 janvier 2020

Tribune libre de Dominique Bilde, Député français au Parlement européen

N’importe quel édile vous le dira : la « coulée verte » - ou autre « écrin de verdure » - s’est progressivement imposée comme le nec plus ultra de l’aménagement urbain, la promesse de « verdissement » suffisant manifestement à occulter l’indigence de bien des projets. Du reste, l’affectation consistant à parer de vertus environnementales des programmes qui en sont en réalité dénués a désormais un nom : le « greenwashing. » Elle a aussi des adeptes -et la LREM n’est dans ce domaine pas en reste.

Quoi de plus naturel en effet pour le candidat à la Mairie de Paris ? Benjamin Griveaux que de s’engouffrer dans la brèche, en annonçant dimanche le déménagement de l’actuelle gare de l’Est vers la banlieue parisienne ? Et son équipe de s’extasier sur les quelque « 30 hectares de verdure » que les Parisiens grignoteraient ainsi à la faveur de ce jeu de chaises musicales. Quant au bâtiment lui-même, les précédents avatars en matière de rénovation laissent peu augurer de son devenir.

En effet, l’appétence française pour les lubies architecturales prétendument avant-gardistes ne date pas d’hier, les gares ayant souvent fait office de cobayes aux apprentis sorciers du genre. Car toutes n’ont pas connu un sort aussi enviable que le Musée d’Orsay. Il s’en faut de beaucoup... Qui se souvient par exemple que la Tour Montparnasse supplanta en son temps l’ancienne gare du Maine, pour déployer depuis lors, dans le ciel parisien, sa façade triste comme un jour sans pain ?

Plus récemment, c’était la superbe gare de Strasbourg en grès rose des Vosges qui était mise sous cloche, tandis que la rénovation pressentie de l’emblématique gare du Nord déclenchait en octobre dernier un tollé général. Là encore, les « 11 000 m2 d’espaces verts » inclus dans le projet dissimulent bien mal l’insulte au bon goût comme au bon sens constituée par un schéma d’aménagement biscornu et disgracieux.

D’autant que derrière quelques onéreuses baudruches de bobos hors-sol (le projet de Benjamin Griveaux coûterait tout de même la bagatelle de 1,5 milliard d’euros) transparaît un dédain à peine voilé pour la France provinciale ou périphérique. S’agissant de la gare du Nord par exemple, on faisait allégrement fi du confort des voyageurs franciliens, contraints de traverser une galerie commerciale au prix d’un parcours rallongé. Même mépris dans le cas d’espèce pour les habitants de l’Est de l’Île-de-France, de la Seine-et-Marne à l’Alsace en passant par la Lorraine. Relégués à la Villette, ils seraient désormais contraints de gagner Paris en transports en commun.

« Paris est devenu moche » se désolait récemment Jean-Pierre Jeunet. Le réalisateur du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, qui donna dans le monde entier ses lettres de noblesse à la gare du Nord, ne croyait décidément pas si bien dire !  Rien à voir, par exemple, avec la superbe rénovation de la station de métro Covent Garden à Londres, restaurée à l’identique dans le plus pur esprit d’indépendance britannique.

Cette frénésie autodestructrice, emportant sur son passage les paysages et le patrimoine français n’est-elle pas symptomatique d’une civilisation à bout de souffle voulant à tout prix renier son histoire !

Dominique Bilde

Tribune libre

31 janvier 2020

>