Friches militaires et industrielles : dans le Grand Est, la reconversion fait pschiiitt !

Dominique Bilde

Tribune libre

13 novembre 2019

Tribune libre de Dominique Bilde, Député français au Parlement européen

Depuis des décennies, les sites industriels en déshérence s’inscrivent dans le paysage lorrain, à quoi s’ajoutent depuis 2008, les anciennes installations délaissées par la nouvelle carte militaire. Mais si, le 11 novembre, l’Est Républicain croyait bon d’exalter « des friches militaires devenues des chances », force est de constater qu’entre projets loufoques ou réduits à peau de chagrin, la réalité est bien différente.

Il est vrai que forte de ses effectifs de 2 500 militaires, la base aérienne de Frescaty dissoute en 2012 a laissé derrière elle un vide béant dans l’économie et le tissu social messins. Un temps envisagée, l’installation d’Ecomouv’ a finalement achoppé sur le flop de l’écotaxe, les autorités se raccrochant désormais, avec l’énergie du désespoir, à la venue prochaine d’Amazon. À la clef : une poignée d’emplois kleenex et surtout des nuisances sonores et environnementales pour les riverains. Bref, en dépit des rodomontades de quelques élus messins et du quotidien local, on est à des années-lumière des reconversions spectaculaires connues par exemple à Lorient, avec l’ancienne base de sous-marins convertie en complexe industriel, touristique et sportif. Même constat concernant le site Kléber de Toul, où le résultat de la requalification de l’ancienne usine Michelin paraissait plus que mitigé dix ans plus tard : 220 emplois retrouvés sur 826 perdus et, en 2018, la fermeture d’un centre d’appel comptant 192 employés - après avoir empoché au passage la coquette somme de deux millions d’euros d’aide de la société Michelin. Pour la suite du projet, c’est notamment la région Grand Est qui devrait mettre la main à la poche. Rendez-vous en 2024...

Du côté des friches industrielles et urbaines, le tableau n’est guère plus reluisant. À Nancy, celles-ci ont fleuri comme champignons par temps de pluie, de l’ancien site d’Alstom dont la requalification est toujours repoussée, à l’ex-faculté de pharmacie. Encore les villes sont-elles privilégiées face à ces opérations immobilières souvent hors de prix. Les communes rurales, elles, doivent se contenter faute de moyens de projets dont les intitulés pompeux en masquent souvent bien mal l’indigence. Exemple à Liverdun, en Meurthe-et-Moselle, où la confiturerie qui employa un temps 300 personnes deviendra, nous assure France Bleu avec le plus grand sérieux, « un espace végétalisé, culturel et de convivialité ». Et de reconnaître que la mairie « a dû tenir compte des contraintes financières »... A Dannemarie, dans le Haut-Rhin, l’ancien site de Peugeot se transformera quant à lui en « mémorial ».

Certes, cette situation n’est que le reflet du marasme économique, régional et national : en d’autres temps, des porteurs de projets se seraient empressés de redonner à ces lieux désaffectés une vocation industrielle ou commerciale. Mais, et tous les analystes s’accordent sur ce point, les reconversions réussies doivent être impérativement sous-tendues par une vision cohérente et de long terme. Or, en la matière, la région s’est trop souvent contentée de faire illusion, à coup de déclarations d’intention couchées dans des « schémas » ou autres « partenariats », d’organisation de colloques ou d’enquêtes territoriales, notamment par le biais de l’« Observatoire des friches. » Un service minimum qui trahit un manque d’ambition plus fondamental pour nos territoires et leur devenir.

Dominique Bilde

Tribune libre

13 novembre 2019

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