Parmi les âpres discussions et débats ardents qui ont lieu à l’occasion du projet de réforme des retraites, certains enjeux, certains projets, sous-tendus par les perspectives du gouvernement, sont mis en sourdine.
Il s’agit ici de mettre en lumière des éléments du débat que le gouvernement a cherché à éluder de façon systématique.
En premier lieu, il est impératif de dresser un état des responsabilités.
En effet, Emmanuel Macron ne cache pas que, selon lui, la réforme des retraites devrait s’inscrire dans une logique plus générale de réduction des dépenses publiques ; mais il oublie qu’il est en bonne partie à l’origine du problème.
Depuis 2017, le prétendu « Mozart de la finance » a surtout montré qu’il était un véritable cancre en matière de gestion publique.
En 2022, il a ainsi augmenté la dette de plus de 600 milliards d’euros, dont les deux-tiers, soit plus de 400 milliards, ne proviennent pas du coronavirus.
Le déficit du budget de l’État s’élèvera vraisemblablement, pour 2023, à plus de 160 milliards d’euros, soit près du tiers de ses recettes.
Que dire également du déficit catastrophique du commerce extérieur – record de 156 milliards d’euros pour 2022 – qui par nature engendre les plus grands déséquilibres macroéconomiques, à commencer par l’inflation importée ?
Mais Emmanuel Macron, loin de faire son mea culpa, tente une fois de plus de faire porter aux Français le poids de ses turpitudes.
Il considère que les montants des retraites qui sont annuellement versées aux Français (350 milliards d’euros) est excessif, et qu’il faudra les baisser, ce qui forcera les Français à travailler plus longtemps pour conserver leur niveau de vie.
Une fois de plus, l’escroquerie est mise en marche.
Le tour, sinistre, est joué.
Avec la complice de toujours : la Commission européenne.
En effet, celle-ci, lors de la mise en œuvre du Plan de relance, accordé aux États après le suicide économique des confinements sanitaires, a exigé, en contrepartie des versements de fonds à la France (qui, que cela soit dit au passage, en sera pour sa poche d’au moins 35 milliards d’euros...), qu’elle « réforme durablement son système de retraite ».
Pour réduire l’endettement public, ce sont une nouvelle fois les Français, et en premier lieu ceux issus de la classe moyenne et des classes populaires, qui seront mis à contribution.
C’est la première étape de l’entourloupe.
L’illusionniste Macron veut faire croire que la croissance sera toujours soutenue, ce qui compensera les pertes théoriques engendrées par la réforme pour les particuliers, or les prévisions de croissance de l’État sont systématiquement surestimées : les paramètres initiaux de la réforme sont donc totalement erronés.
De la même façon que, pour justifier la « transition énergétique », il prétend, de façon insensée, que la consommation de biens énergétiques sera réduite de 40 % à l’horizon 2050...
Gouverner, c’est prévoir ; et Macron et les siens semblent l’ignorer.
En effet, de même qu’ils trompent les Français sur les perspectives économiques entourant la réforme, ils les trompent sur le prétendu « déficit » qui la motive.
Ils font visiblement semblant de ne pas savoir que le Fonds de réserve des retraites est actuellement doté de 26 milliards d’euros.
De même, les régimes complémentaires A.G.I.R.C. et A.R.R.C.O. ont mis au total en réserve près de 86 milliards d’euros.
Les fameux régimes spéciaux, pour leur part, sont loin d’être à l’image de celui de la S.N.C.F., si volontiers mis en avant. Nombre d’entre eux, particulièrement bien gérés, sont excédentaires. Sait-on ainsi que la C.R.P.C.E.N., des salariés du notariat, dégage un bénéfice annuel régulier de plus de 2 milliards d’euros ? Et que celui de la Banque de France a constitué une réserve de près de 15 milliards d’euros ?
Ainsi, le Conseil d’Orientation des Retraites, dans son rapport annuel présenté en septembre 2022, estimait que les caisses de retraite précitées avaient à leur disposition plus de 180 milliards d’euros de réserves. En ajoutant les 26 milliards du Fonds de réserve, la somme de 200 milliards d’euros est dépassée. De quoi voir venir, et, en tout cas, de quoi faire la preuve que cette réforme ne souffre d’aucune forme d’urgence, contrairement aux dires du gouvernement.
Nombre de pistes ont été volontairement éludées.
L’emploi des seniors est trop négligé en France.
Pourtant, au nombre croissant de cadres, notamment supérieurs, retraités de fraîche date mais continuant à travailler comme consultants auprès de leurs anciens employeurs, l’on devrait y regarder de plus près.
La possibilité de départs gradués, progressifs en retraite n’est pas sérieusement étudiée. Non plus que celle, parallèlement, du développement du tutorat, véritable pont et lien de solidarité entre les générations.
Surtout, chacun sait que le maintien d’un système de retraite par répartition exige une démographie vigoureuse, signe d’une politique familiale à la fois généreuse et ambitieuse.
Mais on connaît l’hostilité viscérale de Macron à toute politique familiale, qui pourtant résoudrait tant de problèmes, on connaît ses agressions contre une telle politique, notamment en matière fiscale. Aveugle à toute idée de renouvellement des forces de la France, il préfère le recours éternel à l’immigration, qui fait tant de mal à notre pays.
Enfin, et surtout, Emmanuel Macron prépare une révolution copernicienne en matière de retraite.
Est récemment passée inaperçue la réforme de l’épargne-retraite, qui a fusionné l’ensemble des dispositifs jusqu’ici en vigueur (plans d’épargne retraite, contrats Madelin...) en un dispositif unique par capitalisation.
Parce que ce dernier, dans l’esprit d’Emmanuel Macron, est appelé à se substituer – progressivement ou pas – au système par répartition.
Macron est depuis l’origine, et sera toujours, le garant des intérêts de la finance internationale.
En faisant exploser la dette française, il lui envoie un message clair.
Cette finance « sans nom ni visage », depuis la crise de 2008, doit en bonne partie sa survie au fait qu’elle ait jeté son dévolu sur les dettes souveraines.
Mais il lui en faudra toujours plus.
Il lui faut des fonds de pension massifs, alimentés par un système de retraite essentiellement assis sur un système par capitalisation. C’est ce principe qui prévaut, notamment, aux États-Unis, pays par excellence de l’ultralibéralisme.
Or le principe de la capitalisation est que notre épargne-retraite se trouve – bien sûr ! – placée sur les marchés financiers. Et, contrairement au système par répartition, aucune garantie n’y est attachée. À plus forte raison lorsqu’on sait que de forts risques de nouvelles secousses financières internationales se profilent.
Faire entrer de l’argent – celui des cotisations et de l’épargne – dans ce système permet de reculer le moment de sa crise, sans pouvoir l’éviter. Jusqu’à parler de pyramide de Ponzi devant ce mécanisme, il n’y a qu’un pas.
Soyons clairs. Les plans d’investissement capitalisée de l’épargne boursière sont parfaitement convenables, pourvu qu’ils demeurent accessoires et soient assortis de garanties certaines (notamment d’être placés sur des fonds en euros). Mais ils ne sauraient se substituer au régime par répartition.
Macron, par la réforme des retraites, montre une fois de plus qu’il se soucie comme d’une guigne du sort des Français, de la solidarité nationale, de la cohésion du pays.
Mais il aura adressé un signal à ses sponsors originaux et permanents. Là est le dessous des cartes de la réforme des retraites. Là se trouve son agenda caché.