Proportionnelle, pour la droite voilà l’ennemi !

Eric Domard

07 mars 2018

Tribune libre d’Eric Domard, Conseiller spécial de Marine Le Pen

« La bonne dose de proportionnelle, c’est zéro ». Christian Jacob, patron des députés LR résume ainsi la vision que la droite se fait de la démocratie.

Quand le peuple vote mal, il faut changer le peuple osait Berthold Brecht, les Républicains ne poussent pas la provocation si loin, mais quand le peuple vote mal, feignons de l’ignorer et si possible de le bâillonner.

C’est là une vieille obsession dans les rangs de la droite dont la phobie de la démocratie se confond avec le mépris du peuple.

Qui a en effet oublié l’infâme trahison de la parole des Français au lendemain du référendum sur la Constitution européenne ? Déjà, perçait cette négation de la souveraineté qui appartient au peuple et cette aversion pour les choix démocratiques.

Qu’elle s’affuble du nom des Républicains ou précédemment de l’UMP et du RPR, la droite a de tout temps clairement manifesté son hostilité envers le mode de scrutin proportionnel et la juste et nécessaire représentation des sensibilités de l’opinion dans les institutions.

Dès 1988, la droite chiraquienne s’évertuait à rétablir le scrutin majoritaire après l’entrée deux ans plus tôt de 35 députés Front National à l’Assemblée nationale.

C’est ce même parti devenu l’UMP, qui sous l’impulsion de Jean-Pierre Raffarin alors Premier ministre, validait toute honte bue, le charcutage du mode de scrutin aux élections régionales de 2004 dans

le but avoué de favoriser le bipartisme et de priver le Front National de son rôle d’arbitre.

Cette politique d’étouffement des voix dissidentes s’intensifiera sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la droite suggérant de supprimer au lendemain des régionales de 2004 les triangulaires, et réaffirmant son hostilité par la voix de Bernard Accoyer alors président UMP de l’Assemblée nationale à l’idée d’une dose de proportionnelle au scrutin législatif.

Dans la même lignée, la proposition de loi déposée le 15 octobre 2008 par un député de la majorité présidentielle et visant à modifier le mode de scrutin et la répartition des sièges aux élections régionales, en réservant la moitié du nombre de sièges à la liste arrivée en tête du second tour, trahissait un peu plus cette volonté de garrotter la démocratie.

C’est encore et toujours l’UMP qui était à la manœuvre pour réformer le mode de scrutin aux européennes, divisant la France en 7 grandes circonscriptions dans l’espoir de vider ce scrutin de son enjeu national et d’affaiblir tout esprit de résistance à l’Union européenne.

Ne nous y trompons pas, le mode de désignation des élus n’est pas une question subalterne, puisqu’il conditionne la représentation des courants d’opinion au sein des collectivités.

Dans une démocratie, le pouvoir émane du peuple. Ce lien inaltérable entre le corps électoral et ses représentants ne peut et ne devrait souffrir d’aucune restriction ni être l’objet d’une interprétation limitative sauf à créer une discrimination entre les Français et à écarter des instances représentatives les élus représentant un courant important de l’opinion publique.

Cette démocratie imparfaite dans laquelle glisse la France depuis de nombreuses années ne cesse de creuser le fossé entre le pays légal et le pays réel et n’est pas sans effet sur la montée vertigineuse de l’abstention qui a notamment marqué les dernières élections législatives partielles dans le Val d’Oise et le territoire de Belfort.

Nous aboutissons aujourd’hui à cette situation politiquement surréaliste où l’Assemblée nationale ferme ses portes à des millions d’électeurs qui ne sont pas représentés, mais abrite en son sein des députés élus au second tour d’une élection marquée par une abstention dépassant les 80% !

Cette grave défaillance de notre système démocratique soulève la question que devrait se poser tous ceux qui sont attachés au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple : la loi est-elle encore l’expression de la volonté générale lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peuvent concourir à sa formation.

Par son dogmatisme affiché, sa peur du verdict des urnes, et son rejet de la souveraineté populaire, LR qui n’a jamais aussi mal porté son nom, y a déjà répondu.

Eric Domard

07 mars 2018

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