Lancement du Collectif Seniors : discours de Marine Le Pen

Marine Le Pen

Discours

21 octobre 2016

Colloque bien vieillir en France : un enjeu du XXIe siècle, à la Maison de la Chimie, le 20 octobre 2016 :

Merci à tous,

Merci à tous nos intervenants, qui ont aujourd'hui encore permis d’enrichir notre vision sur de nouvelles questions, essentielles pour notre société.

Et merci aux membres du tout nouveau Collectif Séniors qui, ne nous y trompons pas, sera sans doute l’un des plus dynamiques, tant ses champs de réflexion sont passionnants et larges.

Il est certain que ses missions vont l’amener à créer sur l’ensemble du territoire un maillage particulièrement dense d’antennes locales.

Ce colloque aujourd’hui, et le lancement associé de ce nouveau-né de la belle et grande famille des collectifs du Rassemblement Bleu Marine, vise à approfondir encore un peu plus les liens entre mon mouvement, ma candidature et la société civile.

C'est pour moi l'une des priorités les plus impérieuses si nous voulons être capables de présenter le projet le plus utile et le plus cohérent possible à nos concitoyens en avril prochain.

Il ne s'agit pas aujourd'hui, vous l'avez compris, d'une convention thématique comme nous en organisons régulièrement cet automne, même si les thèmes abordés aujourd'hui auront droit eux aussi naturellement à leur propre convention d'ici quelques mois.

Mais, ce colloque de lancement nous permet de prendre de l'avance pendant que les autres candidats se déchirent dans des primaires vides de sens et d’idées.

Le sujet que nous avons abordé aujourd’hui, celui des séniors, sous tous ses aspects (économie, social, santé, humain) est un sujet qu'il m'est difficile de classer mais sur lequel il m’est très vite apparu évident qu’un collectif Bleu Marine serait la meilleure structure pour s’en saisir et le traiter avec justesse.

J'ai souvent parlé de la situation des séniors dans notre pays, et je me suis souvent inquiétée de voir la diminution des petites retraites, l'oubli dans lequel sombrent les départements ruraux aux yeux des pouvoirs publics et l'état d'abandon de nos aînés dans certaines régions de France, situation qui malheureusement s'étend aujourd'hui aux villes moyennes et même aux périphéries des grandes villes.

C'était d'ailleurs, si vous vous en souvenez, tout le propos de mon "tour de France des oubliés" en 2013, car hélas, souvent, les oubliés sont des seniors.

J'ai souvent parlé des seniors quand il a été question de santé. J'ai également parlé des seniors quand il était question de leurs conditions de vie sociale, et notamment du problème de la solitude.

J'ai aussi déjà lancé l'idée, sur laquelle nous devrons nous pencher plus avant dans les mois qui viennent, de la création nécessaire d'une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à la dépendance.

Mais, il y a quelque chose que je n'avais pas encore fait, c'est de parler des séniors pour eux-mêmes.

Autrement dit, de parler des séniors non pas comme une partie d'un autre sujet, non pas comme cas particulier de notre programme de santé, de notre programme économique, de notre programme social, mais comme une question à part entière.

Elle est à la croisée de plusieurs des réflexions que nous menons dans le cadre de mon projet présidentiel, et elle mérite donc un traitement particulier.

J'ai considéré qu'il fallait que nous abordions la question des seniors pour elle-même après m'être penchée un moment sur des données démographiques.

Car il faut faire un peu de démographie pour comprendre pourquoi aucun parti n'a pas encore bien compris cette question.

Tout part d'une donnée très simple, mais qu'il faut savoir lire attentivement.

C'est celle de l'augmentation de l'espérance de vie.

Notre époque doit affronter un défi inédit dans l'histoire de l'humanité, celui d'une espérance de vie qui a explosé durant les soixante dernières années.

Dans la première moitié du XXe siècle, l'espérance de vie a surtout augmenté grâce à une diminution de la mortalité infantile, mais à partir du début des années 70, on a vu apparaître un phénomène nouveau : celui de l'augmentation de l'espérance de vie après 60 ans.

Au cours du dernier demi-siècle, hommes et femmes ont gagné 14 ans de vie en moyenne, et c'est heureux, pour atteindre en 2015 le chiffre de 79 ans chez les hommes et 85 ans chez les femmes.

Cette évolution démographique n'a pas été prévue à l'avance. Elle appelait des modèles totalement nouveaux.

De ce fait, elle a été bien plus subie qu'elle n'a été accompagnée. Car on oubliait un autre changement, tout aussi important.

Ce sujet que l’on n'a pas vu venir : celui de l'état de santé dans lequel ces générations de nouveaux seniors arrivaient à un âge avancé.

Un indicateur très récent nous permet de mettre des chiffres sur un phénomène que nous constations tous intuitivement : l'augmentation de l'espérance de vie ne s'accompagne pas forcément de l'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire d'une vie sans limitations des fonctions essentielles telles que les capacités à se déplacer, se nourrir, se vêtir.

Or l'indicateur de l'espérance de vie en bonne santé nous permet de percevoir une réalité différente de celle qu'on croit voir en observant la courbe de l'allongement de la vie.

Selon l'INSEE, l'espérance de vie en bonne santé en France a atteint son pic en 2005 : 64,6 ans pour une femme, 62,3 pour un homme en 2005. Et elle est depuis 2005 en diminution constante.

Vous voyez que ce chiffre est inférieur de 15 à 20 ans par rapport à celui de l'espérance de vie. On vit plus vieux, mais on ne vit pas plus vieux en bonne santé. Et cela change tout.

Cela change tout car la question des seniors n'est plus l'annexe d'une autre question, mais une question qui a sa logique propre.

Nous avons depuis une trentaine d'années une nouvelle catégorie de population, celle des seniors, qui est issue de l'allongement de l'espérance de vie, mais qui ne vit pas avec les mêmes contraintes que le reste de la population.

Une population qui a donc une certaine vulnérabilité face aux événements de la vie, et c'est cette vulnérabilité que nous voulions prendre en compte pour elle-même.

Bien sûr, derrière la catégorie de "seniors", se cachent des situations très diverses. Entre le baby boomer qui vient d'arriver à l'âge de la retraite et la femme seule née avant la guerre, il y a d'énormes écarts.

Il y a également des différences de situations sociales, des inégalités face à la vieillesse qui sont le décalque des inégalités de richesse (il n'y a qu'à voir la différence d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier).

Mais, de la même manière que la diversité de situation des jeunes de notre pays n'empêche pas de concevoir des problématiques qui leur sont propres, la diversité de situation des seniors n'efface pas des tendances de fond.

La société française ne s'est pas encore adaptée à ce double phénomène qu'est l'augmentation de l'espérance de vie et la stagnation de la vie en bonne santé.

Elle l'a au mieux gérée, elle a naturellement, et souvent sans les pouvoirs publics, trouvé des solutions provisoires, mais qui sont insatisfaisantes.

Cette réalité n'est pas une fatalité, et elle peut même devenir une opportunité si nous savons la saisir. Il y a une dizaine d'années, nous étions le pays au monde on l'on vieillissait le mieux. Nous avons perdu cet avantage.

Il ne tient qu'à nous de le reconquérir, et de devenir un leader mondial de ce qu'on appelle aujourd'hui la silver économie, l'économie du vieillissement, c'est-à-dire d'une économie qui développe les services en direction des seniors.

Et même qui innove dans ce domaine.

Une économie qui crée de la richesse et de l'emploi nouveau.

Cette nouvelle catégorie de la population que constituent les seniors, inédite dans toute l'histoire de notre pays, doit être incluse dans la vie économique et sociale de la France, au lieu d'être reléguée à ses marges.

Ce n'est pas un hasard si les seniors en situation de difficulté se trouvent en milieu rural et en milieu périurbain, dans nos villages, dans nos petites et moyennes villes.

Ce n'est pas un hasard non plus si ce sont eux qui subissent de plein fouet les effets désastreux de la disparition des services publics.

Ce n'est pas un hasard encore si c'est chez les personnes âgées que le problème de la solitude se pose de la manière la plus aiguë : en France, on vit de plus en plus vieux, mais on vieillit de plus en plus seul.

La relégation des seniors à la marge de la société est une double faute : faute envers les seniors, puisqu'on abandonne par là une partie de plus en plus significative de la population française, mais faute aussi envers les jeunes générations, avec lesquelles s'éteint toute idée de transmission des savoirs et de mise à profit de l'expérience.

Il faut que la France puisse recréer un lien nécessaire entre des générations qui se parlent moins et qui se voient moins, et combler un fossé qui n'a jamais été aussi marqué, au niveau géographique, au niveau social, au niveau culturel.

C'est d'autant plus essentiel que je connais la propension forte de nos séniors à l'entre-aide, notamment dans les familles modestes, eux qui sont déjà prêts dans de nombreuses cas à épauler leurs petits-enfants, parfois leurs arrières-petits-enfants, dans le cadre d'une solidarité intra-familiale aujourd'hui indispensable à de nombreux foyers pour qui rien ne serait possible sans l'assistance de leurs aînés.

Je connais aussi leur souhait très cher de ne pas rester coupés d'une société en mouvement, qui va souvent très vite, et qui a tendance à reléguer ceux qui n'ont pas toutes les ressources pour pouvoir prendre pleinement leur part à l'aventure collective.

Ce sera l'une des priorités de ma réflexion, celle qui me conduira dans les mois qui viennent à faire des propositions très concrètes sur ces grandes thématiques.

On n'a pas encore pris la mesure de la nouveauté historique de la question des seniors.

La société française a donc un temps de retard dans ses représentations, mais elle peut aisément le combler si elle s'y attèle.

Le vieillissement de la population n'est pas une malédiction, et il ne condamne en aucun cas le dynamisme de notre pays.

En revanche, il se révélera être une difficulté si nous ne nous adaptons pas à cette nouvelle donne démographique.

Je veux être la présidente de la République qui n'oubliera personne et ne laissera personne sur le bord du chemin. Surtout pas nos aînés à qui nous devons ce que nous sommes aujourd'hui.

Je veux prendre la question des Séniors à bras le corps, comme une question en soi, et apporter des réponses sur toutes les questions qu'elle recouvre, de la dépendance aux services publics de proximité, des petites retraites au maintien des petits commerces, de la solidarité entre les générations à la consolidation de notre pacte social.

Je sais que le Collectif Séniors aujourd'hui mis sur pieds saura nous apporter des réponses précises, venues de l'expérience de ses membres et du Tour de France des Séniors qu'il s'apprête à faire !

J'y reviendrai donc dans les mois qui viennent. Travaillez le plus utilement possible, au bénéfice de nos Séniors !

Vive la République !

Vive la France !

Marine Le Pen

Discours

21 octobre 2016

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