RN

Les défis multiples de l’Honorable Coopération francophone

Marine Le Pen

21 mars 2016

Conférence de presse de Marine Le Pen à Québec

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi que de me trouver ici, à Québec, ce 20 mars, afin de fêter la journée internationale de la francophonie, également date anniversaire de la création de l’OIF à Niamey, en 1970.

Pourquoi ai-je choisi de me rendre à Québec plutôt qu’à Niamey me demanderez-vous ? Je vous avoue avoir moi-même grandement hésité, avant de trancher en faveur de Québec.

Si l’Organisation Internationale de la Francophonie a des objectifs louables, elle représente la francophonie institutionnelle. Or, je crois que le monde francophone recouvre des réalités qui vont bien au-delà de la francophonie institutionnelle. Une francophonie de la résistance incarnée dans des valeurs et des idéaux pour lesquels des hommes courageux ont pu combattre. Cette francophonie est née ici. A Quebec. Elle est le fruit d’un long processus de maturation qui s’étend de la fondation de Québec par Samuel de Champlain en 1608, jusqu’aux souvenirs émus des Québécois après la défaite de la Guerre de Sept Ans. Elle est celle des soldats français qui ont traversé l’Atlantique pour sauver la Nouvelle-France, accompagné du Marquis de Montcalm, qui périrent dans les plaines d’Abraham en 1759.

La ville de Québec inaugure également cette francophonie de la coopération dont je suis une partisane fervente. Cette francophonie qui, dès le XVIème siècle avec Jacques Cartier, avait conduit un Européen à traiter d’égal à égal avec les Premières Nations. Magnifique symbole de coopération entre les peuples dont le mouvement que je préside veut s’inspirer dans ses rapports avec ses partenaires.

C’est ce que Québec représente à mes yeux. C’est cette définition de la francophonie à laquelle j’ai tenu à rendre hommage aujourd’hui.

En tant que responsable politique et chef du premier parti de France, j’ai pensé qu’il était de ma responsabilité de rendre hommage à cette francophonie des idéaux et des valeurs en vous traçant ma doctrine quant à la grande utilité de la francophonie pour la France et l’ensemble du monde francophone.

Lorsque l’on parle de Francophonie, il arrive souvent qu’une confusion apparaisse dans la définition même du terme. Est-ce l’Organisation Internationale de la Francophonie, celle que l’on nomme parfois la Francophonie institutionnelle, et qui rassemble en son sein toute une multitude de pays qui parfois n’ont rien de francophone ? Est-ce la communauté des personnes qui, à travers la planète, parlent le français, c'est-à-dire les 250 millions de locuteurs de notre langue ? Aucune de ces définitions ne me semblent satisfaisantes pour traduire la réalité d’un monde francophone qui, comme les autres espaces géolinguistiques – arabophone, anglophone, lusophone, mais aussi sinophone – doit s’organiser et se concevoir comme un pôle cohérent au sein d’un monde de plus en plus interconnecté et interdépendant.

C’est pourquoi je définis cette Francophonie comme étant, d’abord, l’ensemble des pays et des peuples ayant en partage ce patrimoine linguistique commun qu’est la langue française. Ce sont ainsi 450 millions de personne qui la composent, qu’ils soient locuteurs, ou qu’ils vivent au contact quotidien du français dans les 33 pays, de l’Europe aux Amériques et aux quatre coins du globe, qui composent l’emprise géographique de cette Francophonie. C’est par et depuis cette réalité francophone, ce cœur de la Francophonie, que rayonne la langue française dans le monde.

Non seulement, et évidemment, par l’intermédiaire de son génie littéraire et artistique, qui a fait du français une langue de culture universellement reconnue. Mais ses mérites vont bien au-delà. L’influence qu’elle commande dans les institutions internationales au sein desquelles elle demeure une langue de travail au moins aussi importante que l’anglais, participe directement et activement à la diversité linguistique et culturelle du monde et à la compréhension entre les peuples – ne serait-ce que par son statut persistant de langue pivot pour nombre d’interprètes. Langue de science aussi, le français n’a rien à envier à l’anglais pourtant jugé, à tort, comme la nouvelle lingua franca des communautés scientifiques et des universitaires. La preuve en est que dans de nombreux pays dans lesquels le français n’est pas la langue officielle comme au Liban, au Maroc ou en Tunisie, on l’emploie néanmoins à l’enseignement des matières scientifiques au lycée et à l’université. Au-delà de fantasmes sur la permanence de la langue du colonisateur, cette circonstance dénote surtout un attachement, et une fidélité avertie à une langue qui conserve toute sa pertinence dans un monde moderne et ouvert.

Et comment en serait-il autrement, quand elle cimente dans un espace quatre fois plus grand que l’Union européenne tant de peuples différents ? Il est ainsi aisé de comprendre que le français n’est pas seulement une langue de littérature ou un luxe linguistique, il est une nécessité économique, qui le place parmi les grandes langues des affaires, des communications… et du droit aussi, car bien que les échanges soient essentiellement réglés par des systèmes de droit d’inspiration anglosaxonne, de common law ; la majorité des pays du monde conservent un droit dit continental, d’inspiration romaine et napoléonienne.

Le français est donc un atout, et un atout recherché, ne serait-ce que pour accéder aux opportunités économiques de l’espace francophone. Ces opportunités sont bien évidemment très importantes, non seulement du fait de l’étendue et de la diversité géographique de la Francophonie, mais aussi par le dynamisme démographique considérable qui est le sien.

De ce point de vue, notre espace géolinguistique est très heureusement pourvu par la grande diversité que lui permet son ampleur mondiale. Il suffit pour s’en donner l’idée de considérer la grande richesse en patrimoines énergétiques, hydrocarbures notamment, comme au Niger, d’un certain nombre de pays africains et notamment d’Afrique de l’Ouest, mais aussi miniers – c’est le cas particulièrement de la République démocratique du Congo, un potentiel futur géant africain. Le patrimoine agricole est non moins important, et la diversité des climats et des écosystèmes permet la culture d’un nombre d’espèces très variées sur des étendues très importantes. On pense, dans le patrimoine agricole, au blé en France, par exemple, au sorgho en Afrique noire, au Cacao, au café, à la banane et au sucre… Cette biodiversité n’est pas moindre dans les mers, qui augmentent encore l’espace économique francophone et son potentiel. On pense ainsi à l’historique morue, cabillaud, de l’Atlantique qui a motivé pour partie l’installation française à Terre-Neuve et au Canada, au légine dans l’Océan indien… Bref, on trouve de tout dans l’espace francophone.

De tout, y compris des industries et des savoir-faire très importants, ce qui est particulièrement le cas des pays du Nord de notre espace. La France, bien sûr, mais aussi la Belgique, le Canada français aux Amériques, etc. tous des pays ayant une longue tradition de l’industrie et qui possèdent toujours, malgré l’affaiblissement qui est le leur depuis quelques décennies, d’importants atouts, d’importants arguments en matière économique, pour accompagner, tirer profit et prospérer dans une économie francophone qui doit nécessairement se diriger vers davantage de coopération pour le développement du Sud de notre espace. Nous voyons là à quel point les circonstances de l’Histoire ont bien fait les choses, la Francophonie étant non seulement un marché monde en soi, mais aussi et surtout béni d’une communauté d’intérêts, d’une complémentarité de talents et d’espérances qui doivent guider l’action politique de nos dirigeants respectifs. Mesurer et comprendre ces complémentarités francophones sera absolument déterminant pour le futur des peuples de la Francophonie.

Car le monde francophone est un monde en croissance, qui abritera à l’horizon 2060,m 1 milliard de personnes. Un dynamisme essentiellement porté par l’Afrique francophone subsaharienne, où vit 80% de la population des pays francophones. S’engager dans une réflexion et une action globale, à l’échelle de la Francophonie, pour tirer parti de cette croissance démographique et la transformer en croissance économique durable sera sans doute le plus grand, le plus important défi qu’aura à porter la Francophonie. Mais il s’agit là d’un défi et d’un enjeu d’ampleur planétaire qu’il est indispensable de relever si nous voulons prospérer, ensemble, dans un espace économique mondial viable et pérenne.

En effet, aux crises économiques et alimentaires à répétition qui caractérisent la marche mondialiste des échanges, surfinanciarisés, aux courts extrêmement volatiles et préjudiciables aussi bien aux pays développés du Nord qu’à ceux du Sud qui trop souvent, sont presque entièrement dépendants de l’exportation de matières premières, s’ajoutent d’autres désordres. Parmi ceux-ci, il en est un sur lequel le mouvement politique que je dirige en France et moi-même ont toujours alerté : le désordre migratoire. Jamais le monde n’a connu de crises migratoires de l’ampleur que celles que nous connaissons désormais, et qui se caractérisent par des flux massifs de populations de pays à d’autres. Ce désordre, qui menace les équilibres démographiques, sociaux, et culturels de bien des nations parmi lesquelles la France et tous ses partenaires francophones, doit être contenu. Non pas, bien sûr, par l’enfermement, l’érection d’hypothétiques murailles ou l’isolationnisme qui d’ailleurs, est une doctrine d’inspiration plus anglaise que française. Je me permets ainsi de rappeler que l’isolationnisme n’est pas dans les traditions nationales de la France, ni des autres nations francophones, mais qu’il fait au contraire partie des traditions politiques de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, qui l’ont pratiqué au XIXème et au XXème siècle. Au contraire, la France a toujours cherché, pour sa part, à être une puissance d’équilibre et de dialogue. C’est de cette tradition dont il faut se nourrir pour faire face aux réalités que révèlent ces migrations de masse dont je tiens qu’elles sont avant tout des migrations économiques, dont les causes profondes sont à trouver dans des déséquilibres intenables qu’il faut résoudre.

Face aux crises migratoires et aux autres grands défis qui d’ailleurs les accompagnent – économiques, sécuritaires, culturels, ce n’est donc pas le Splendide Isolement qu’il faut rechercher, ni le renoncement et la disparition dans le magma de la « globalization », mais l’Honorable Coopération entre peuples qui se comprennent et partagent des intérêts convergents. Là où l’ultralibéralisme se fait une gloire d’asservir le monde entier, la Francophonie et la langue française doivent, elles, devenir une force d’émancipation. Et quel meilleur endroit que Québec, qui après avoir été le cœur historique du Canada français, a perduré comme le cœur battant de la nation québécoise, pour lancer cet appel à l’union des francophones ? N’est-ce pas ici que le français a démontré toute la force de sa résilience linguistique et culturelle, tout en cultivant la concorde avec les peuples et cultures qui cohabitent avec lui ?

Les deux années qui viennent de s’écouler ont été marquées par l’afflux de migrants sur les côtes d’Europe. Le Québec n’est pas épargné non plus, lui qui doit faire face à une immigration de plus en plus forte et à des revendications religieuses souvent compliquées.

La crise migratoire, si elle a été portée dans la sphère médiatique il y a deux ans, n’est pourtant pas nouvelle. Elle est structurelle. Engendrée par l’application de l’idéologie mondialiste de la libre circulation des humains, des capitaux et des biens.

Ces vagues migratoires d’une ampleur considérable ne concernent pas, d’ailleurs, que des migrations partant du Sud pour aller vers le Nord. Elles concernent aussi et surtout les pays du Sud entre eux ce qui est extrêmement néfaste à leur développement puisque le flux de migrants vient obliger des Etats déjà en difficulté à sacrifier une partie de leur ressource pour prendre en charge une population qui n’est pas la sienne. En 2010, sur 28 millions de migrants africains, les migrations intra-africaines représentaient 15 millions de personnes. 7 millions ont migré vers l’Europe, déstabilisant les Etats du Maghreb auxquels est dévolue la charge ingrate de garde-frontière. Au même moment, les gouvernements des Etats européens, soumis à Bruxelles, détournent leurs coupables regards de la tragédie humanitaire dont ils sont les complices.

Les déplacements massifs des populations des Etats du Sud sont en effet causés par une politique économique et commerciale agressive qui entend asservir les peuples à un modèle de production, de consommation et de développement standardisé. Tous les peuples francophones sont impliqués dans une série de nouveaux Traités Inégaux qui profitent à une oligarchie mondialisée.

Le Traité Transatlantique, créant une zone de libre-échange entre l’Union Européenne et les Etats-Unis, voudrait mettre en concurrence les immenses élevages intensifs de l’agro-industrie américaine avec les éleveurs français. Le Traité Trans-Pacifique voudrait mettre en concurrence les producteurs de lait québécois avec ces mêmes élevages américains, provoquant d’après les producteurs de lait du Québec, une perte de 9 à 10% du marché du lait canadien au profit des productions américaines. En Afrique aussi, les Accords de Partenariats Economiques signés entre l’Union européenne d’un côté et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, met en concurrence les éleveurs de poulet des campagnes du Bénin avec les firmes européennes qui vont inéluctablement inonder les marchés ouest-africain des surplus alimentaires européens.

Des mets de qualité par ailleurs, puisque les morceaux de volaille de réforme congelés que l’on expédie sans honte à Cotonou, à Dakar, à Bamako, sont les restes de volailles prévues pour la préparation de la nourriture pour chien ou pour chat des Européens. Congelés, ces morceaux sont envoyés sur les côtes africaines sans aucune considération pour les graves problèmes sanitaires qu’ils posent. Ni sur l’étouffement méthodique que cette production fait subir aux producteurs locaux et donc aux marchés intérieurs. Enfermant ces pays dans la trappe du mal-développement et donc de l’immigration. Des sujets bien triviaux visiblement pour l’armée de lobbies qui, sans relâche, tient Bruxelles en Etat de Siège au détriment de l’intérêt des peuples.

Ainsi, les peuples du monde francophone sont prisonniers des mêmes entraves. Nord et Sud francophone, sont unis dans les épreuves de ce système qui ne désire pas s’adapter aux aspirations de nos peuples, mais les voir s’effacer.

Face au mondialisme et à ses écueils, il existe donc une convergence manifeste d’intérêts entre les peuples francophones. Une convergence qui laisse entrevoir le partage, souhaitable, d’une communauté de destin à construire. Ce destin commun ne peut se construire que dans l’affirmation de notre unité, non seulement linguistique, mais surtout de valeurs. Ainsi, contrairement à certains experts en mondialisme qui font de la culture de l’ultralibéralisme le modèle à suivre pour tirer parti de la Francophonie, mon approche est tout à fait différente. En effet, il convient, non pas de chercher à reproduire des modèles qui non seulement ne sont pas les nôtres, mais ont en plus démontré leur inefficacité, dans l’UE notamment et en France en particulier. Ces modèles vous les connaissez et je les ai évoqués à l’instant, ce sont l’ouverture totale des frontières aux marchandises, aux hommes, aux capitaux, l’effondrement de l’Etat dans ses missions de sécurité, de protection et de pilote économique, etc. Tout le contraire, donc, d’une longue tradition française qui veut que les Etats imposent des règles à la concurrence, et ne laissent pas cours à ce que l’on voit maintenant un peu partout, c'est-à-dire des mises en concurrences sauvages et brutales qui ont détruit de nombreuses économies.

Mais comment concrétiser cette solidarité francophone face au mondialisme ? D’abord, par une politique d’Aide au développement cohérente et raisonnable, et qui soit justement fondée sur l’appartenance commune à la Francophonie. Cette orientation qui paraît naturelle, puisque après tout la Grande-Bretagne concentre essentiellement son aide aux pays anglophones, comme le Brésil la concentre aux pays lusophones, n’est pourtant pas celle qu’ont retenue la plupart des gouvernements francophones. Je ne peux que déplorer que mon pays, la France, ne consacre que 40% de son Aide Publique au Développement à l’Afrique subsaharienne. Nous consentons pourtant un argent considérable à la Chine, premier bénéficiaire de notre APD, ou au Brésil, tous deux de redoutables concurrents de la France dans de nombreux domaines. Je sais qu’il est de bon ton de cultiver l’exception française… mais il y a peut-être certaines exceptions auxquelles il conviendrait de renoncer.

Car enfin, ce saupoudrage de l’Aide Publique au Développement ne fait pas que nuire aux intérêts nationaux des pays qui la consentent, mais surtout à ceux des pays qui en ont bien davantage le besoin et l’utilité. Ces pays, pourtant, ne manquent pas au sein même de la Francophonie, et nul pôle francophone ne pourra émerger sans que soit entreprise la nécessaire convergence de développement et de niveau de vie entre le Nord francophone et le Sud francophone. C’est pourquoi je souhaite, pour ce qui concerne mon pays, que la quasi totalité de l’APD française soit réservée aux pays francophones.

Je ne me fais pas ici l’avocat d’une charité aveugle et désintéressée. De telles dispositions sont contraires aux rôles des Etats et des gouvernants et sont aussi contraires aux aspirations des pays en développement qui doivent être considérés comme des partenaires à part entière, et non comme de simples bénéficiaires de la générosité du Nord, à la traîne du reste du monde. Tout au contraire, je souhaite que cette semaine de la Francophonie soit l’occasion de mesurer tout l’avantage qu’il y a pour tous les pays qui la composent à s’engager dans des politiques de développement co-profitables. Les liens linguistiques nous servent ici encore, puisqu’il est admis que les pays partageant une langue tendent à échanger plus que si ce n’était pas le cas. A cette circonstance naturelle s’ajoutent les perspectives de débouchés évidentes que représenteraient, pour nos entreprises, le développement de nos partenaires du Sud. On peut s’en donner une mesure par l’existence d’un marché colossal de l’aérospatiale, du transport aérien, en Afrique comme l’a montré la dernière foire du Bourget à laquelle je me suis rendue. Un vaste marché dans lequel Airbus, le franco-italien ETR, et bien sûr le québécois Bombardier ne sont pas en reste sur Boeing. Voilà une bonne façon de mettre à profit le savoir-faire industriel et scientifique du Nord francophone, dans une démarche de coprofitabilité, car il est évident que la qualité et la fluidité du transport aérien en Afrique conditionne pour partie ses performances économiques.

​Il est bien évident que la France ne pourra seule assumer ce pari du développement du Sud francophone. Par ailleurs, quel en serait alors l’intérêt ? Ce n’est pas un prétexte à la reconstitution de la Françafrique que j’ai si vigoureusement dénoncée à de nombreuses reprises, que je souhaite. C’est au contraire l’épanouissement d’une économie francophone qui serve les intérêts de tous ceux qui la constituent. C’est pourquoi je souhaite que les Etats du Nord francophone comme du Sud francophone puissent s’associer dans une démarche commune, et libre, d’accompagnement et de coordination, notamment et particulièrement sur la question du financement des projets de développement. J’entends ainsi proposer la mise en place d’un Fonds Francophone d’Investissement multilatéral dont l’objet sera de financer les grands projets structurels de développement dans le monde francophone.

Les domaines ne manquent pas en la matière. Les projets d’infrastructure, à eux seuls, sont si vitaux qu’ils devront constituer la priorité de ce FFI. L’établissement d’infrastructures de transports, ainsi, devra nécessairement s’accompagner de projets d’électrification, elle qui fait cruellement défaut dans bien des endroits. Je dis s’accompagner, car l’un ne peut se faire sans l’autre, et j’observe ainsi que beaucoup d’acteurs africains avec un relatif scepticisme les efforts de M. Borloo pour son grand plan d’électrification de l’Afrique. Car enfin, comment la réaliser, comment construire cette infrastructure électrique, si elle n’est pas précédée d’une infrastructure routière, ferroviaire, aérienne, pourtant nécessaire au déplacement des équipements et personnels nécessaires à sa réalisation ? A l’infrastructure s’ajoutent de nombreux autres domaines, parmi lesquels l’émergence d’un secteur industriel cohérent et capable d’émanciper nos partenaires du Sud des phénomènes de rentes d’exportation de matières premières, dont on sait les effets pernicieux malgré la promotion qu’en ont toujours fait la Banque Mondiale et le FMI.

Vous le voyez, les investissements à réaliser sont colossaux, mais c’est qu’ils sont à la mesure de ce que peut être la Francophonie, et des avantages considérables que l’on est en droit d’en attendre.

Les capitaux ne suffisent pas, cependant. Il faut aussi former des hommes. Il existe encore, dans ce domaine, une disparité entre le Nord et le Sud de la Francophonie, qui peut aussi se concevoir et s’organiser comme une complémentarité d’intérêts et de talents. Le Sud francophone est ainsi confronté à un problème fondamental : celui de la fuite de ses élites. Accentuant le cercle vicieux du mal développement, de jeunes cadres, formés dans le Nord avec l’argent d’Etats du Sud, restent dans leur pays d’accueil. C’est une véritable catastrophe pour les pays du Sud francophone qui perdent ainsi l’argent des bourses qu’ils ont avancé ou même donné, en plus du potentiel humain et des compétences qui aurait pu et du être mis à contribution chez eux. C’est pourquoi, je discuterai avec nos partenaires afin de mettre en place des dispositions pour renforcer et maîtriser la mobilité étudiante. Nous proposerons à nos partenaires une « Bourse Jacques Cartier » financée par les Etats afin de lever l’obstacle financier des étudiants du sud désireux d’étudier au nord. Une clause de retour sera appliquée à la fin de la formation, celle-ci pouvant contenir un certain nombre d’années dues à l’Etat qui a payé la formation.

Enfin, l’entraide passe aussi nécessairement par la promotion d’un commerce équitable, plus juste et mieux rémunérateurs des acteurs de l’économie réelle, c’est-à-dire les producteurs. Je pense ici tout particulièrement aux agriculteurs qui nous nourrissent, et qui, au Sud comme au Nord d’ailleurs, sont aujourd’hui bien trop dépendants d’intermédiaires et de véritables cartels qui les assujettissent à des cours mondiaux qui condamnent les modèles de production paysans auxquels nous tenons tous et auxquels il faut aspirer. Le Commerce équitable, dans ce contexte, ne doit pas être vu comme un outil de bonne conscience, mais bien comme un outil de croissance des marchés intérieurs. Car il faut prendre conscience que les enjeux économiques et écologiques de demain imposent de modifier nos modes de consommation et de production, mais surtout d’échanges marchands, dans le sens de circuits plus courts. Les nations francophones trouveront, grâce à ces instruments, le modèle de développement qui convient aux aspirations de leurs peuples.

Je conclurai en rappelant la devise de la République française : Liberté, Egalité, Fraternité. Ces mots qui expriment si parfaitement les valeurs profondes de la nation française, j’ai l’espoir qu’ils incarnent aussi celles de la Francophonie. Une Francophonie faite de partenaires libres, de dignité égale, capables et désireux de cultiver une fraternité au-delà du seul partage linguistique.

Marine Le Pen

21 mars 2016

>