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La prise en charge de la dépendance : Comment avancer ?

Marine Le Pen

04 décembre 2013

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Conférence de presse de Marine Le Pen (4 décembre 2013) :

Mesdames, Messieurs,
 
Je vous remercie de votre présence à cette conférence de presse consacrée à la question de la dépendance des personnes âgées et de sa prise en charge.
 
1 – La réforme de la dépendance, cette Arlésienne

Alors que le défi démographique s’accroît, les partis politiques qui ont dirigé le pays depuis une quinzaine d’années semblent tétanisés, incapables de procéder à une réforme qui permettrait une meilleure prise en charge financière de la dépendance, pour soulager les personnes âgées et leurs familles. Ils se réfugient dans l’attentisme, repoussant successivement les échéances de réforme, et évoquent tactiquement les leviers de la prévention qui, s’ils sont réels, n’apportent guère de solutions rapides.
La canicule de l’été 2003, en provoquant une surmortalité des personnes âgées, avait amené le Gouvernement FILLON à faire créer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui intervient depuis 2005 essentiellement comme un « mélangeur de financements » destinés aux établissements et services pour personnes âgées dépendantes et aux départements (allocation personnalisée d’autonomie, APA).
Depuis, la dépendance – et avec elle la génération des retraités et leur famille' – est la grande oubliée :

- Je vous rappelle la promesse de campagne de Nicolas SARKOZY en 2007 : « Je créerai une cinquième branche de la protection sociale pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie et garantir à tous les Français qu’ils pourront rester à domicile s’ils le souhaitent ». Elle n’a débouché que sur un débat national sur la dépendance au 1er semestre 2011, qui lui-même n'a abouti à rien de concret.
 
- Je vous rappelle aussi le projet de campagne de François HOLLANDE en 2012 : il indiquait « J’engagerai aussi une réforme de la dépendance permettant de mieux accompagner la perte d’autonomie ». Les objectifs en étaient flous et l’annonce, en janvier 2013, de la préparation d’un projet de loi n’a pas dissipé les ambiguïtés. Les trois rapports remis à cette époque au gouvernement traitaient essentiellement de la prévention (« adaptation de la société au vieillissement »), sans aborder les sujets de financement de la dépendance (au passage, les retraités se verront taxer de 0,3% de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie à compter du 1er janvier 2014 – ce sont 600 M€ de recettes en année pleine). On retrouve bien cette tactique de l’évitement.
 
La situation est pourtant très tendue pour les personnes âgées concernées et leur famille. Mon objectif aujourd'hui est de débloquer ce sujet de la dépendance, de le mettre au centre pour forcer chacun à s'en emparer et enfin avancer.
 
Les débats se focalisent souvent sur l’allocation personnalisée d’autonomie (APA, 5,6 milliards d'€ pour 2014), mais le système de prise en charge de la dépendance (près de 25 milliards d'€, soit 1,3% du PIB) doit être considéré dans sa totalité.
Le principal contributeur (à 60%) est en effet l’assurance maladie, au travers du financement des soins (de ville, hospitaliers, en établissement ou par service médico-social).
Les départements représentant 20% de l’effort, par l’APA ainsi que de manière plus secondaire par l’aide sociale à l’hébergement (ASH).
Le reste est apporté par la contribution financière de la CNSA, par les aides au logement, l’action sociale des caisses de retraite et des exonérations fiscales et sociales.
Le taux de couverture publique des frais des ménages liés à la dépendance est de 72%, avec des disparités importantes selon les trois origines de ces dépenses : soins de santé (95%, notamment au travers des affections de longue durée), prise en charge de la perte d’autonomie (83%), frais d’hébergement (70%). Notre objectif est de faire progresser ces deux derniers chiffres.

Pour les personnes âgées dépendantes résidant en établissement, en termes mensuels, le coût moyen de la dépendance et de l’hébergement est de 1 857 € selon le cabinet KPMG - chiffré cité par la ministre Michèle DELAUNAY en février 2013 - et le montant moyen de l’APA est proche de 500 €, d’où un reste à charge moyen de près de 1 400 €,à comparer avec une pension de retraite moyenne de 900 € pour les femmes et 1 200 € pour les hommes.
Ce reste à charge est rarement atténué par des rentes d’assurance dépendance privée : seules 15 000 personnes âgées en ont bénéficié en 2010, pour un montant moyen de 520 €par mois et un montant global de 94 millions d'€.
 
 
2 – Notre projet : le "bouclier dépendance" en 2 étapes : l'action départementale puis la 5ème branche dédiée

Notre projet veut avancer sur ce dossier crucial de la dépendance. Il vise la création, au sein de la sécurité sociale, "d'une cinquième branche dédiée". Nous écartons l’hypothèse que ce système repose sur les mécanismes assurantiels privés, source de financement aussi inégalitaire qu'incertaine à moyen et long termes. En cela, nous tranchons avec le flou de l'UMP et du PS, qui ne rejettent pas clairement l'option "assurance privée" alors que les Français exigent la vérité.

Cette 5ème branche, "Dépendance", se verrait confier l’ensemble des moyens de l’assurance maladie et des départements. Le financement de dépenses supplémentaires ne devrait reposer ni sur les salariés, afin de ne pas pénaliser l’emploi, ni sur des retraités déjà largement précarisés et oubliés par le pouvoir.

Une telle réforme systémique, institutionnelle ne peut toutefois être engagée que par le Parlement à l’issue d’une concertation nationale, ce qui en renvoie la perspective à 2017/2018 selon le calendrier électoral actuel, sans apporter de solution rapide au problème du reste à charge financier pour les personnes âgées dépendantes et leurs familles.
 
On sait par ailleurs que les changements de système sont complexes : passer de l’aide sociale départementale à une assurance sociale supposerait non seulement un transfert de moyens (des départements et des agences régionales de santé vers les caisses d’assurance maladie-dépendance) mais également une ingénierie lourde (juridique, organisationnelle, informatique, professionnalisation…) qui prendrait plusieurs années avant de produire ses effets.

Or la situation exige d'agir plus vite.
 
Il faut ainsi explorer une voie de propositions susceptibles d’être mises en œuvre à législation quasi constante (s’agissant des règles fondamentales) pour mise en oeuvre extrêmement rapide. Il s’agirait d’uneréforme locale transitoire, ciblée sur l’allègement du reste à charge et appuyée par des ressources d’origine nationale.

Cette réforme transitoire serait mise en œuvre par les départements eux-mêmes, sous la forme d'un véritable "bouclier dépendance" :
- directement, via une augmentation de l’APA (relèvement des plafonds d’aide et/ou diminution du ticket modérateur du bénéficiaire) et de l’ASH versée aux personnes âgées (non application de l’obligation alimentaire et du recours sur succession pour les nouvelles attributions)
- ou indirectement, en jouant là aussi sur l’APA et l’ASH personnes âgées, pour appliquer ce « bouclier dépendance » garantissant aux personnes âgées soit un« reste à charge » plafond soit un « reste à vivre » plancher.
 
Une telle réforme départementale, transitoire, aurait pour avantage son application rapide, puisque les circuits de décision (l’assemblée départementale, les règlements départementaux d’aide sociale, la CNSA), de financement (recettes des départements, complétées par une participation de la CNSA) et de gestion (les services des départements) existent déjà et sont bien connus de nos personnes âgées.
  
Cette réforme transitoire de« renforcement départemental de la prise en charge des coûts de dépendance (APA) et d’hébergement (aide sociale à l’hébergement) » serait financée par deux niveaux de ressources :
- 1er niveau de ressources : dans chaque département, par un « fonds départemental dépendance » alimenté par le produit estimé des économies réalisées par :
d'abord des économies sur le train de vie des départements (masse salariale et frais de fonctionnement courant), les financements sociaux (meilleure application des critères d’éligibilité, à législation constante, notamment par une révision systématique des règlements départementaux d’aide sociale) et les financements dans d’autres domaines, notamment la communication et le train de vie des élus. Vous le savez nous sommes très soucieux de corriger radicalement une décentralisation qui a été à la fois trop loin et trop coûteuse. La réorientation de ces dépenses « évitables » vers une meilleure prise en charge de la dépendance peut contribuer à donner un sens à un plan départemental d’économies, étant rappelé que la prise en charge de la dépendance finance des emplois non délocalisables ;
 
o ensuite l’intensification de la lutte contre la fraude sociale aux prestations financées par le département, au premier rang desquels le RSA. Le département devra demander et obtenir des CAF et caisses de MSA une application stricte et un contrôle accru des conditions de résidence régulière pour l’attribution de cette prestation, et de la panoplie de sanctions prévues par la loi. Un plan d’action de grande ampleur devra être mis au point à cet effet en mobilisant tous les leviers d’investigation et de répression des situations d’abus. Sur le plan départemental, les économies réalisées par cette saine gestion seraient chaque année estimées (notamment au travers des indus détectés et recouvrés) et redéployées vers un surcroît d’APA et d’ASH personnes âgées ;
 
- Second niveau de ressources : l’appel à un soutien financier de l’Etat à ces« fonds départementaux dépendance ». Ce soutien passerait par une augmentation des ressources de la CNSA pour accroître son taux de couverture des dépenses d’APA : de 31% pour 2014 (1,66 milliards d'€ versés en 2012), il faudrait repasser à l’objectif qui était fixé initialement, c'est à dire 50% (ce qui amènerait une injection de 1milliard d'€ supplémentaires dans les budgets des départements). Cet accroissement progressif serait financé non par un surcroît de fiscalité sur les actifs ou les retraités, mais par l’intensification de la lutte contre la fraude aux prélèvements et prestations famille, logement, maladie et vieillesse. Il conviendrait d’organiser le recyclage de ces sommes, par un versement forfaitaire annuel du budget de la sécurité sociale (principalement concernée) vers les départements, au travers de la CNSA.

Cette réforme, je le répète, est transitoire pour que nous puissions tout de suite apporter des réponses à la question de la dépendance et soulager les familles. C'est le sens de ce "bouclier dépendance". 
Dans le même temps, il convient de préparer une réforme systémique aboutissant à la mise en place d’une assurance dépendance gérée par l’assurance maladie, cette 5ème branche dédiée de la Sécurité sociale dont je parle.

Cette 5ème branche sera financée par les sources de financement que je viens d'évoquer, auxquelles j'ajoute un financement direct, déjà évoqué dans une récente table ronde avec des personnes âgées : l'affectation au financement de la dépendance des recettes d'une taxe sur la spéculation qu'il faut mettre en place. Une taxe sur la spéculation destinée à dissuader les placements de très et hyper court termes et d'encourager à l'inverse les investissements dans la durée.

En parallèle, pour parfaire ce chantier de la dépendance, une analyse approfondie des besoins liés à la dépendance dans tous les domaines (santé et médecine, urbanisme, architecture, ergonomie, équipements, accès aux services publics,...) devra être engagée pour être en mesure, à moyen terme, d’adapter l'ensemble des politiques publiques aux évolutions démographiques que connaît notre pays.

Je vous remercie.

Marine Le Pen

04 décembre 2013

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