Lettre ouverte de Marine Le Pen à François Hollande et Nicolas Sarkozy
6,4 millions de nos compatriotes ont choisi de voter pour moi au premier tour de l’élection présidentielle, à l’issue d’une campagne que j’ai commencée il y a plus d’un an.
J’ai présenté l’intégralité de mon projet aux Français dès le mois de novembre, et je n’ai pas voulu, à la différence d’autres, prendre les électeurs par surprise à la veille du scrutin.
Le peuple français a ainsi pu se saisir de mes propositions, qui ont bien souvent irrigué les débats : protectionnisme intelligent, réindustrialisation, liberté monétaire, reconstruction des services publics, arrêt de l’immigration, priorité nationale, défense de la laïcité, pour n’en citer que quelques unes.
Malheureusement aujourd’hui, vos propos de campagne sont très irrespectueux de mes électeurs. Et je ne peux laisser la campagne d’entre-deux-tours se dérouler sans m’adresser à vous et vous inviter à cesser l’insulte et le mépris.
Cessez l’insulte à l’égard des millions de Françaises et de Français qui se sont portés sur ma candidature le 22 avril.
Il est inadmissible de dire que mes électeurs ne voulaient pas me porter à l’Elysée. Le vote en ma faveur n’est pas un « cri », un vote « de crise », « de souffrance » ou de « désespérance » comme j’ai pu l’entendre. Il est encore moins un vote « d’extrême droite » ou « xénophobe ». Je ne peux tolérer de voir leur choix réduit à un comportement irréfléchi ou animé par de mauvais sentiments.
Le peuple français est parfaitement souverain. C’est le seul souverain que la République reconnaisse. Tous les électeurs doivent dès lors être respectés. Il n’y a pas d’un côté des Français qui voteraient bien et de l'autre des Français qui voteraient mal. Il n’y a pas d’un côté des Français qui voteraient avec leur intelligence et de l’autre des Français qui voteraient par instinct ou par réflexe, comme des animaux.
Personne ne peut percer le secret de l'isoloir, accéder au fond de l'âme de l'électeur, mais les enquêtes et les analyses, la campagne que j’ai menée et les innombrables témoignages qui me parviennent indiquent que le vote en ma faveur a été un vote réfléchi, construit, un vote d’espérance, de soutien, en somme un véritable vote d’adhésion au nouveau chemin que je propose à la France, aux propositions qui sont les miennes. Or, vous niez la sincérité du vote de mes électeurs et leur capacité à réfléchir, à se faire une idée personnelle et étayée de l’avenir de leur pays.
En insultant ainsi mes électeurs, vous persistez dans ce comportement d’élites arrogantes et méprisantes que j’ai combattues dans cette campagne. N’avez-vous donc rien compris à ce rejet grandissant par notre propre peuple de ces attitudes aristocratiques, pleines d’un dédain que les Français ne supportent plus ? Pourquoi donc ressentez-vous le besoin de reprendre le discours suffisant de quelques éditorialistes imbus d’eux-mêmes et tellement déconnectés des Français ?
Je ne suis en rien propriétaire de mes voix du 22 avril. Je n’en revendique aucunement la propriété. Ce serait parfaitement contraire à l’idée que je me fais de la liberté du peuple. Mais je considère qu’il est de mon devoir de défendre l’honneur de mes électeurs, et de demander qu’on cesse de les mépriser. J’estime que votre attitude jusqu’ici rend votre quête de ces voix particulièrement illégitime.
Messieurs les candidats, il vous reste quelques jours de campagne, et je vous demande, au nom de la démocratie et de la grandeur du peuple français, de faire preuve de respect.
Désormais, plus rien ne sera comme avant, des millions de Français ont redressé la tête.
Il est peut-être encore temps de vous en rendre compte.