Le retour du délit d’opinion !

Gilles Lebreton

Communiqué

24 janvier 2019

Communiqué de presse de Gilles Lebreton, professeur de droit et chef de la délégation RN au Parlement européen

La signature par Emmanuel Macron du très controversé traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle n’en finit pas de faire des vagues. En difficulté, le gouvernement n’hésite plus à envisager de recourir aux pires moyens pour faire taire la contestation.

La palme de la proposition liberticide vient d’être gagnée par la ministre de la Justice, Madame Nicole Belloubet. Trahissant les devoirs de sa fonction, elle a estimé le 23 janvier, sur France Inter, qu’il était envisageable d’activer contre Marine Le Pen la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information.

À ses yeux, le tort de la présidente du RN est d’avoir critiqué le traité d’Aix-la-Chapelle, qu’elle accuse d’affaiblir la souveraineté de la France en faveur de l’Allemagne. Si Marine Le Pen tenait à nouveau ces propos en campagne électorale, « on pourrait peut-être mettre en place les dispositifs qui sont prévus par le texte de loi », affirme la ministre.

Cette interprétation très contestable de la loi anti-fake news du 22 décembre 2018 revient de façon sidérante à réclamer l’application d’un délit d’opinion contre le chef du premier parti d’opposition au président Macron. Si on comprend bien la philosophie de Madame Belloubet, plus aucun responsable politique ne sera libre de critiquer le traité d’Aix-la-Chapelle « pendant les trois mois précédant le 1er jour du mois » des élections européennes, période de censure des fake news prévue par la loi, c’est-à-dire en clair à partir du 1er février. Car si c’est Marine Le Pen qui est visée aujourd’hui, ce sera demain au tour des autres opposants au président Macron d’être stigmatisés, et pourquoi pas sur d’autres sujets de controverse que ce traité. C’est le pluralisme politique lui-même qui est attaqué !

On savait que cette loi de 2018, combattue par le RN, serait dangereuse pour la liberté d’expression. Elle définit en effet les fake news, de façon floue, comme « des allégations inexactes ou trompeuses de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir » et « diffusées de manière délibérée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne », ce qui permet tous les abus. Mais ses termes ne permettent nullement de museler l’opposition, contrairement à ce qu’affirme Madame Belloubet, notamment lorsque cette opposition s’exprime, comme l’a fait Marine Le Pen, dans le cadre d’interviews sollicitées par des journalistes, et non pas seulement par le biais d’un site internet. On ne voit d’ailleurs pas très bien sur quel fondement juridique le juge des référés, saisi par le ministère public ou par « toute personne ayant intérêt à agir » conformément à la loi, pourrait ordonner de se taire à une candidate à des élections démocratiques !

Ce triste épisode confirme qu’il faut abroger la loi du 22 décembre 2018. Il semble aussi indiquer que le gouvernement est prêt à tout pour empêcher la victoire électorale de son opposition, y compris à piétiner les libertés publiques et les principes les plus sacrés de la démocratie. Il est urgent qu’il se ressaisisse, sous peine de perdre le peu de crédit dont il jouit encore dans l’opinion.

Gilles Lebreton

Communiqué

24 janvier 2019

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