Castaner : un nouveau matamore au Ministère de l'Intérieur

Philippe Franceschi

Tribune libre

23 octobre 2018

Tribune de Philippe Franceschi, Consultant Sûreté et contre-terrorisme, ancien officier supérieur de gendarmerie

Après avoir réussi à accéder au poste de ministre de l'Intérieur par défaut faute de poids lourd politique compétent dans son camp, Christophe Castaner n’a pas pu s'empêcher de sacrifier au rituel de l’annonce de sa politique générale de sécurité. En résumé, vous allez voir ce que vous allez voir.

Dans un article paru sur le JDD, il évoque les chantiers en cours et sa vision de la situation sécuritaire du pays. Ayant reçu pour mission de rassurer les Français en ces temps de doutes sur la capacité présidentielle, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas très convaincant et emploie la méthode Coué afin de donner le change et enfumer une fois de plus l’opinion.

Il annonce tout d'abord vouloir « reconquérir mètre carré par mètre carré la souveraineté républicaine dans certains quartiers. Ce sera un combat», ajoute-t-il. On se demande quelles troupes il va envoyer «se battre» ?  « Quand vous mettez 30 policiers de plus dans un quartier, ça change tout » poursuit-il. Mais non monsieur le Ministre, cela fait au maximum une dizaine de policiers en service en même temps. A qui allez-vous faire croire que c'est cela qui va contrer les bandes de racailles armées de kalachnikovs de ces quartiers ? La politique de sécurité du quotidien qui n'en finit pas d'accoucher n'est que de la poudre aux yeux. Comme son sinistre prédécesseur, il emploie la nouvelle dialectique du ministère où on ne parle plus de quartiers sensibles de non-droit pour ne plus effrayer malgré les faits qui s'accumulent, mais de quartier de reconquête républicaine, ça fait mieux. Par ailleurs, il se garde bien d'évoquer la problématique primordiale du continuum sécurité-justice quand les policiers arrêtent les délinquants et que les juges les libèrent rapidement.

Devant la recrudescence de l'immigration clandestine venant d'Espagne, Christophe Castaner revendique une politique ferme contre l'immigration irrégulière en discutant avec les autorités espagnoles comme italiennes ou allemandes. Mais c’est la politique migratoire de l’UE qui est à revoir, pas de négocier et se disputer entre Européens. Je pense en particulier à la directive de 2011 sur le droit d’asile subsidiaire qui a ouvert grandes les portes de l'Union et a aggravé l'effet Schengen de liberté de circulation en son sein.

Le ministre adresse également des signes à ses troupes en rappelant la hausse de 3,5% du budget de son ministère. Comme si un budget plus important qui sera vite écrêté par l'inflation suffisait à régler le problème de la sécurité des Français. Il en va de même avec l'annonce de la création de 2500 emplois l'an prochain qui n'auront guère d'effet avec l'application de la directive européenne qui réduit le temps de travail des forces de sécurité. Non, c'est d'une politique ferme de lutte contre le communautarisme, les réseaux criminels des quartiers et le terrorisme islamiste dont nous avons besoin. Or, Christophe Castaner déclarait en mars 2018 qu'il était préférable d'«accueillir les djihadistes français «pour faire en sorte d'identifier le risque d'un passage à l'acte »  alors que c'est  une interdiction de retour sur notre territoire qui s'imposait. Annonce folle et irresponsable quand on connaît l'état de la sécurité dans nos prisons. Ce n'est pas avec un tel état d'esprit que l'on gagnera cette guerre.

Enfin, sur un autre chantier attendu, Christophe Castaner annonce qu'il présentera à Emmanuel Macron dans «quelques jours» les résultats de la consultation organisée dans chaque département sur l'organisation de l'Islam de France. Et là je crains le pire, quand on sait que notre nouveau ministre déclarait en avril dernier qu'il ne voyait pas de différence entre le voile islamique et le voile catholique. Est-ce bien sérieux ! Castaner le libertaire islamo compatible au ministère de l'Intérieur,  on ne pouvait pas imaginer pire scénario.

Philippe Franceschi

Tribune libre

23 octobre 2018

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