Loto Macron : le gros lot de la privatisation de la Française des Jeux ne sera pas pour vous

Aurélien Legrand

Tribune libre

26 juin 2018

Tribune Libre d'Aurélien Legrand, Secrétaire départemental du FN Paris, Conseiller régional d’Île-de-France

Voler à l’État pour donner aux riches. C’est en substance ce qu’il faut retenir de la décision actée en Conseil des ministres le 12 juin dernier d’inclure la Française des Jeux (FDJ) dans le lot de fleurons publics qui seront privatisés à l’occasion du vote de la loi PACTE. La FDJ n’est pas la seule entreprise publique concernée, Aéroports de Paris fait par exemple tout aussi scandaleusement parti du lot, mais l’entreprise de loterie est sans doute la plus révélatrice des motivations profondes que l’on retrouve derrière ces privatisations.

Quelques faits pour bien comprendre. L'État détient actuellement 72 % du capital de la Française des Jeux. FDJ possède le monopole sur la loterie et les jeux à gratter, et a réalisé 14,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2016, avec un bénéfice net en hausse de 10,7 % sur un an. Pour cette seule année, cela représente une rente de 3,12 milliards d'euros pour les finances publiques via les "prélèvements sur les mises", auxquels s’ajoutent 133 millions d'euros de dividendes en tant qu’actionnaire ultra-majoritaire.

Surtout, ce sont des résultats en hausse continue depuis 2008 malgré la multiplication de la concurrence en ligne, et la seule entreprise aussi rentable du secteur. Bref, une bonne santé absolue et une rentabilité sans faille qui attisent naturellement les convoitises.

Contre l’intérêt national, Sarkozy avait offert le gros gâteau des autoroutes à ses amis du Fouquet’s, Macron fait la même chose avec la Française des Jeux. La logique est strictement la même : offrir aux appétits privés une entreprise publique très rentable pour payer la dette de son élection. Macron récompense ainsi clairement ceux grâce à qui il a été élu, ceux qui l’ont soutenu de tous leurs réseaux, y compris médiatiques, et ont financé sa campagne : les puissances d’argent.

Car l’argument financier, on l’a vu, ne tient pas. Privatiser la FDJ rapporterait certes en une seule fois aux comptes publics une recette exceptionnelle de quelques centaines de millions. Mais c’est déjà quasiment ce qu’elle rapporte annuellement sur la seule base des dividendes, c’est donc un non-sens total. Comme pour les sociétés autoroutières, la rentabilité de l’opération sera rapidement négative dès le moyen terme pour les comptes publics.

Au-delà de l’aspect financier et de l’aspect éthique, se trouve aussi un problème de santé publique. De fait, une perte de contrôle de la FDJ priverait l'État de sa capacité à imposer des règles de prévention des addictions. D’autant plus qu’il est envisagé de coupler l’ouverture du capital avec une révision des normes du secteur : l’interdiction des casinos en ligne, la fiscalité, le rôle de l’autorité de régulation, tout pourrait être remis en cause. On connaît les risques, entre mainmise mafieuse et affranchissement de toute prescription envers les citoyens dépendants aux jeux d’argent.

Au loto Macron, on l’aura compris, il y aura quelques gros gagnants, et une majorité de perdants.

Les grands perdants, comme trop souvent, ce sont les Français, ceux qui jouent trop, ceux qui jouent tout court, et même ceux qui ne jouent pas.

Il y aura par contre quelques gros gagnants, les mêmes que pour l’ISF ou la flat-tax, ceux qui décidément ont touché le gros lot en misant sur ce cheval-là : les ultra-riches.

Il reste heureusement un joker pour ceux qui espèrent faire tomber la mauvaise main que distribue Macron à la France, la quinte flush royale des députés du Rassemblement National. Car s’il y a bien une voix qui résonnera dans l’hémicycle pour dénoncer la supercherie en cours, ce sera la leur.

L’occasion de rappeler à Emmanuel Macron que si la loterie est un monopole d’État depuis le 16e siècle, c’est pour une raison fort simple, qui a même précisément présidé à sa création : c’est qu’elle rapporte de l’argent ! Une vérité que le président de la République semble avoir oubliée, à moins qu’il ne l’ait justement trop bien comprise.

Aurélien Legrand

Tribune libre

26 juin 2018

>