Congrès des Régions 2018: des revendications à la soumission, il n’y a qu’une marche !

Edwige Diaz

Tribune libre

04 octobre 2018

Tribune libre d'Edwige Diaz, Conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine

Les 26 et 27 septembre se tenait à Marseille, la 14e édition du Congrès des Régions, associant, pour la première fois Régions de France, l’Association des Maires de France et l’Association des Départements de France.

Ce rassemblement qui, à en croire les annonces tonitruantes des ténors de la politique française, devait s’imposer comme le marqueur d’une véritable résistance à la politique gouvernementale. En apparence extrêmement déterminés, ces centaines d’élus locaux « en colère » ont présenté fièrement une association nommée « Territoires Unis », distribué des badges boutons et lancé avec solennité « l’appel de Marseille pour les libertés locales ».

De Renaud Muselier à Hervé Morin et de François Baroin à Dominique Bussereau en passant par Gérard Larcher, tous, dans un bel élan tribun, ont dénoncé leur « ras-le-bol d’être pris pour des incompétents démagos ».

À entendre le diagnostic sur « l’impréparation de la réforme de la taxe d’habitation », l’analyse de la réforme de l’apprentissage qui va « menacer de fermeture les CFA ruraux », le constat sur les « effets d’annonces » du gouvernement promettant de « grands plans qu’on sera incapables de financer » tel le « Plan Pauvreté », les discours sur le coût des « Mineurs Non Accompagnés », les « faux mineurs » et les «

faux migrants » qui alimentent les « filières mafieuses », on se serait presque cru à un meeting de Marine Le Pen!

En conclusion des diatribes à l’encontre des gouvernants macronistes dénonçant « la technocratie », « le mépris », « l’absence de consultation », « le chantage à la subvention », « la signature sous contrainte » de « contrats léonins », ils affirment candidement: « Je ne m’attendais pas du tout à cette situation! ».

Certains de ces spécialistes, politiciens, donneurs de leçons annoncent avec crédulité, mais sans pour autant afficher l’esquisse d’un remord, « je me suis trompé! ».

Edouard Philippe assurait le plaidoyer de la Défense qui, ineffablement, sera applaudi par un parterre d’élus. Au rythme des « mon ami », « mon cher » et autres marques de théâtralisation, il aura presque balayé d’un revers de main leurs critiques et revendications.

Aurait-il eu tort de s’y prendre autrement ? Avait-il une légitimité à aller conquérir auprès de ces élus, soutiens électoraux avérés d’Emmanuel Macron? Avait-il quelque chose à redouter de ces édiles manifestant leur mécontentement en « claquant la porte de la Conférence Nationale des Territoires » mais paraphant docilement le « Pacte de Contractualisation »?

Et de quelles revendications parle-t-on? Y a-t-il véritablement une différence de vision entre les élus de « Territoires Unis »

et le gouvernement? Ces élus de « Territoires Unis » veulent ainsi voir la naissance de l’acte IV de la Décentralisation, livrent une interprétation biaisée de l’Article Premier de la Constitution modifiée en 2003 relative à la République « décentralisée », s’opposent à la diminution de leurs compétences comme la formation professionnelle, réclament plus de compétences notamment en matière d’emploi, dénoncent l’interventionnisme de l’Etat dans la gestion des fonds européens et rêvent de pouvoir discuter directement avec Bruxelles.

Même si ces élus pleurent sur le lait renversé, pas un ne contestera la contribution nette et coûteuse de la France au budget de l’Union européenne, pas un ne remettra en cause la politique de l’Union européenne responsable de l’ouverture à la concurrence de tous nos secteurs stratégiques nationaux et régionaux (ferroviaire, énergétique....) et pas un ne regrettera d’avoir voté ou de se préparer à voter pour toutes les lois et schémas aussi décentralisateurs que mortifères telles les lois MAPTAM, ALUR, NOTRe ou le SRADDET. Cet appétit pour une décentralisation exacerbée emplit d’aisance cette Union européenne, partisane de l’affaiblissement, de la dilution et du démantèlement des Etats-Nations. La régionalisation est le cheval de Troie de l’Union européenne fédéraliste rendue possible par loi du 16 janvier 2015 relative au charcutage des régions sur

proposition de la Commission européenne. La politique macroniste, quant à elle, exhorte, inlassablement à encore plus d’Europe au moyen d’une « souveraineté européenne » sécuritaire, économique, énergétique, sanitaire, alimentaire et sociale. Ainsi, Macron veut créer un « programme européen » pour financer les collectivités locales accueillant des réfugiés. Le tout, organisé par un budget de la zone euro via de nouveaux impôts européens. Cette politique communautaire a pour but d’accélérer l’inféodation de la France à une Union européenne technocratique, fédéraliste et résolument anti-démocratique.

Ces deux visions, en apparence contradictoires, visent en réalité les mêmes buts: le morcellement de l’unité nationale et la dissolution de l’Etat France au sein de l’Union Européenne, avec un corollaire tactique électoraliste: faire barrage à la « menace populiste »!

C’est probablement cette connivence entre ceux qui font mine de s’opposer qui explique que Les Républicains comme les socialistes ont pu diffuser une vidéo lors de ce congrès, mais bien évidement pas le Rassemblement National, seule véritable force d’opposition à la dissolution de la France !

Et ce que Marine Le Pen annonçait depuis fort longtemps à savoir que le clivage politique ne résidait plus entre la droite et la gauche mais entre les européistes-mondialistes et les nationaux s’est vu confirmer à l’occasion de ce congrès.

Congrès qui, finalement, s’est apparenté à une succursale d’un avatar UMPS en campagne électorale! Alors que la dette publique de la France vient d’atteindre les 99% du PIB, un changement de paradigme s’impose.

Sans tomber dans un jacobinisme outrancier, la décentralisation anarchique et coûteuse doit cesser. L’Etat doit reprendre la main sur les deniers publics et récupérer les compétences essentielles à tort octroyées aux collectivités comme l’aménagement du territoire. Le Département doit être revalorisé et se voir doté des compétences qui s’inscrivent en synergie avec celles qu’il détient déjà comme la gestion des lycées. La Région doit rester à taille humaine et se limiter à une simple action de coordination entre les départements de manière à s’inscrire dans la défense du triptyque Etat-département-commune. L’Union européenne, quant à elle, doit, grâce aux élections européennes de 2019, se métamorphoser en une Union des Nations Européennes respectueuse de la souveraineté de ses États membres.

Edwige Diaz

Tribune libre

04 octobre 2018

>