Question écrite de Bruno Bilde, député du Pas-de-Calais, membre de la commission des affaires sociales, sur le Plan santé

Bruno Bilde

Vie parlementaire

19 septembre 2018

Question écrite de Bruno Bilde, député du Pas-de-Calais, membre de la commission des affaires sociales, à Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur le Plan santé

M. Bruno Bilde attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les mesures du Plan santé présentées mardi 18 septembre par Emmanuel Macron.

Devant le slogan publicitaire « prendre soin de chacun », le président de la République a d’abord récité un constat partagé et tant de fois répété qui fait état d’un système de santé en tension et de profondes difficultés dans l’accès au soin. Il a ensuite énuméré un cortège de décisions qui témoignent d’une vision technocratique et industrielle de la médecine.

La mesure phare est sans conteste la suppression du numerus clausus qui est censée mettre un terme à la désertification médicale. Avec cet effet d’annonce qui ne prendra effet qu’en 2032 et 2033 au terme des études de médecine de la promotion 2020, Emmanuel Macron se trompe de problème et donc de solution. Si le nombre de médecins est effectivement insuffisant au regard de la population française, le véritable problème est l’inégale répartition des praticiens sur l’ensemble du territoire national. Si tous les futurs médecins s’installent sur la Côte d’Azur, la suppression du numerus clausus n’aura aucun bénéfice. Or, aucune mesure ne prévoit d’organiser la démographie sanitaire et Emmanuel Macron se refuse à contraindre les médecins d’exercer quelques années dans les territoires fragiles. Rien ne changera pour les Français de la ruralité qui ne pourront toujours pas se faire soigner en traversant la rue… La suppression du numerus clausus pose aussi la question de la formation avec le risque d’avoir des médecins au rabais. La sélection est nécessaire pour s’assurer de la qualité et du socle de compétences des étudiants mais cette sélection ne doit plus être guidée par la seule compétition mais aussi par le besoin d’humanité.

Lors de la campagne présidentielle, Marine Le Pen avait proposé de relever le numerus clausus et non de le supprimer. Elle prévoyait en outre d’instaurer un stage d’internat dans les déserts médicaux et de permettre aux médecins retraités d’y exercer avec des déductions de charges.

Autre mesure du Plan santé, la création de 4000 postes d’assistants médicaux confinés à des tâches administratives et des actes « simples » pour faire gagner du temps aux médecins. Sur le modèle des assistants dentaires, ces jeunes peu qualifiés seront surtout destinés à optimiser le rendement. Pour Emmanuel Macron, la santé est une affaire de chiffres, de nombre d’actes et non de qualité des soins. Ainsi, dans une langue bureaucratique déconnectée du réel et des besoins, il est prévu de faire gagner 25 à 30% de « temps médical ». Les services du ministère de la Santé préfèrent calculer le temps d’une prise de tension et décréter qu’une toilette ne doit pas excéder 10 minutes au lieu de mettre le patient au centre des préoccupations. Avec l’objectif de « dégager du temps médical », on ne soignera pas mieux mais à la chaîne.

Après l’échec patent des groupements hospitaliers territoriaux (GHT), Emmanuel Macron sort du chapeau un nouvel acronyme avec les CPTS, communautés professionnelles territoriales de santé, qui poursuivront la métropolisation de la santé avec la mort programmée des hôpitaux de proximité. Les suppressions massives de services hospitaliers dans la ruralité mises en œuvre par les Agences régionales de santé se poursuivront pour mutualiser et fusionner les spécialités dans la ville centre.

Là encore, l’efficacité est sacrifiée au profit de la rentabilité. L’exemple du Samu d’Auxerre (89) classé parmi les meilleurs de France mais pourtant condamné à la fermeture d’ici 2022 est révélateur de la politique choisie par l’exécutif.

Responsable de la marchandisation de la santé, la tarification à l’acte (T2A) ne sera pas supprimée mais concurrencée progressivement par une incitation financière à la qualité et les financements au forfait pour le diabète et l’insuffisance rénale chronique. Ce forfait pourrait être source de dangereuses dérives avec des hôpitaux qui refuseraient de recevoir un diabétique qu’ils auront déjà vu deux fois sous prétexte que la troisième visite n’est pas comprise dans le forfait.

Enfin, la systématisation de la prise de rendez-vous en ligne pourrait aller dans le bon sens si dans de trop nombreux territoires, la fracture numérique ne s’ajoutait pas à la fracture médicale.

Avec ce Plan santé, Emmanuel Macron ne déroge pas à sa méthode et à sa politique de déconstruction. Ces mesures ne répondent pas aux enjeux de la désertification médicale et du vieillissement et oblitèrent singulièrement la dimension humaine de la médecine. Elles creuseront les inégalités territoriales et sociales entre les habitants des villes qui auront les moyens de se soigner facilement et les habitants de la France rurale et périphérique toujours laissés pour compte.

Bruno Bilde

Vie parlementaire

19 septembre 2018

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